Poèmes
L’arc-en-ciel
Un soir d’été pluvieux et froid, après la tonte des brebis,
J’ai vu cette chose rare ;
Un arc-en-ciel avec sa lumière tremblante
Par-delà l’averse ;
Et j’ai pensé au regard farouche que tu as lancé,
Avant de mourir.
Dehors, la nuit était glaciale et sombre
— chez moi aussi.
Mais depuis, je n’ai cessé de penser
À cette lumière hagarde.
Et je crois avoir enfin compris
Ton regard d’alors, et tout ce qu’il signifie.
La pierre instable
Au plus profond de la froide nuit de moisson,
Le monde, comme une pierre instable,
Vogue dans le ciel ;
Et mes noirs souvenirs tombent
Comme un rideau de neige.
Comme un rideau de neige qui m’aurait empêché de lire
Les mots gravés dans la pierre
Si la mousse de la renommée,
Et le lichen de l’histoire,
Ne les avaient déjà recouverts.
Sur la tombe de mon père
La lumière encore sur moi, toi enveloppé de nuages,
Nous nous voyons aujourd’hui comme deux collines
De part et d’autre d’une vallée. Je ne suis plus ton fils.
C’est mon esprit, et lui seul, qui regarde,
Et l’immense obscurité que fut ta mort
Se dresse, et lui fait face de l’autre côté.
Qu’un homme en vie songe à un homme mort,
Et aucune pensée plus petite n’est possible.
Dans la brume du crépuscule
Allongé dans la brume du crépuscule
Dans un vallon entre les collines, je voyais
Lentement se former sur les tiges des bruyères
Des gouttes de rosée pas assez lourdes encore pour tomber.
Et je sentais que j’en étais encore là, hélas !
Vis-à-vis de Dieu ; toujours à attendre en vain
Qu’une seule goutte grise de son esprit
S’avive en quiddité parfaite.
Sur une plage soulevée
À James H. Whyte
Tout est lithogenèse — ou lochies,
Fruit carpolithe de l’arbre défendu,
Pierres plus noires que celles de la Caaba,
Pierres de Caen couleur crème, chatoyants éclats,
Céladon ou corbeau, bistre ou beige,
Glauques, chenues, enfoudrées, cyathiforme,
Auprès de quoi soleil et lune sont de simples facules,
Je vous étudie, rutilantes ou sombres, mais, faute
De cadran