Tueurs
Quand je vois des hommes, je vois des tueurs.
Claude Lanzmann
Ils portaient des pantalons de cotonnade plissés, ils se reposaient comme il faut,
ils se transportaient en véhicule ou à vélomoteur…
Ces gens bien lettrés étaient calmes et ils ont retroussé leurs manches
pour tenir fermement une machette. Alors, pour celui qui, comme moi,
a enseigné les Humanités sa vie durant, ces criminels-là sont un terrible mystère.
Jean-Baptiste Munyankore, instituteur, survivant tutsi
(cité dans Jean Hatzfeld, Une saison de machettes)
La scène se passe en Syrie, en Tchétchénie, en ex-Yougoslavie, en France, en Algérie, en Israël, en Irak, en Pologne, en Palestine, au Cambodge, au Rwanda, en Russie, au Vietnam, en Allemagne, au Liberia, c’est-à-dire n’importe où.
Ça tourne
Un jeune soldat a été pendu par les pieds au canon d’un char. Des soldats l’entourent. Ils crient, l’interpellent, parlent entre eux. Certains rient à gorge déployée. Tous ont l’air très excités. Le soldat pendu par les pieds écarte les bras comme s’il allait pouvoir sauter et retomber sur ses mains. Il se balance. Il s’agite. On dirait qu’il fait la brasse. Un soldat brandit un bâton. Il donne quelques coups de bâton dans le dos du soldat pendu par les pieds. La tourelle du char se met à tourner. Tout le monde rit. Le soldat pendu semble se concentrer sur lui-même pour tenter de garder un certain maintien. Son corps se balance comme un quartier de viande. La tourelle tourne encore et le pilote du char se met à pousser le moteur. Aussitôt, les pots d’échappement crachent une épaisse fumée noire. La tourelle tourne maintenant vers l’arrière puis s’immobilise quand le canon se trouve juste au-dessus des pots d’échappement. Et le soldat pendu par les pieds disparaît dans l’épaisse fumée noire qui sort des pots d’échappement.
Calcul mental
Un soldat : « Il y en a combien ? » Un soldat : « Soixante-trois vivants et onze morts. Ça fait soixante-quatorze. » Un soldat : « Ah bon, soixante-quatorze ? Ça de