Comment une association de charité sexuelle a révolutionné la société française
En ce début d’année 2048, on fête en grande pompe les trente ans de Corps social, l’association fouriériste consacrée à la charité sexuelle. C’est l’occasion de revenir sur son développement afin d’analyser la manière dont elle est venue perturber la société d’alors, en amorçant une nouvelle façon de concevoir les liens entre les personnes qui la composent. Nous ne reviendrons pas ici sur le détail des réformes auxquelles elle a donné lieu, que ce soit en matière d’éducation, de filiation, de mariage, ou de sexualité[1]. Nous souhaitons plutôt comprendre comment cette petite association a déclenché une remise en question aussi profonde de notre société, réalisant ainsi le rêve de ceux qui appelaient, au début du siècle, à recréer du lien social.
Le 31 mars 2018, elle est créée dans l’indifférence générale, à une époque où la misère sexuelle était encore conçue comme un malheur choisi ou mérité, auquel il fallait se résigner. Corps social considérait au contraire que la sexualité était une nécessité humaine trop importante pour être livrée aux aléas du marché érotique. Elle a donc cherché à prendre en charge les laissés pour compte du système sexuel d’une manière compatible avec la législation française de la fin des années 2010. À l’époque, la prostitution semblait être le seul moyen de palier à la misère sexuelle : or c’était un moyen dont on ne voulait pas entendre parler. Par exemple, lorsqu’en 2013 des associations d’handicapés revendiquèrent un droit à l’assistance sexuelle, le Comité consultatif national d’éthique rendit un avis défavorable sous prétexte qu’« il ne peut être considéré comme éthique qu’une société instaure volontairement des situations de sujétion [la prostitution] même pour compenser des souffrances réelles »[2]. La France allait ensuite durcir sa position et pénaliser les clients des prostitué(e)s dans une loi de 2016. Pour échapper aux législations répressives d’alors, l’idée de philanthropie sexuelle, empruntée au réformateur socialiste Cha