Covid-19, pétrole et Cygne Noir
Nous, économistes, travaillant sur la stabilité financière et sur les crises financières, savions que les fragilités financières perduraient et finiraient par se révéler n’en déplaise à l’industrie financière qui, tel un mantra, dénonce sans cesse l’avalanche de réglementations post-crise l’ayant « corsetée » et entravant son activité. Ce discours irresponsable a d’ailleurs trouvé une oreille attentive chez les décideurs publics justifiant ainsi la pause règlementaire voire le détricotage des règlementations financières et bancaires tant aux États Unis qu’en Europe.
Nous savions que les marchés financiers étaient surévalués, abreuvés par l’abondance de liquidité elle-même fille de la gestion par les banques centrales de la crise financière précédente, dopés par les taux nominaux à zéro voire négatifs et l’aveuglement aux risques. Nous savions que les pathologies de l’hypertrophie de la finance ne s’étaient pas résorbées : endettement privé excessif, institutions financières obèses, aléa moral, vulnérabilité aux crises de liquidité, nocivité de certains modes de gestion d’actifs et insuffisance des réponses réglementaires à la crise de 2008… Mais aucun économiste, à ma connaissance, n’avaient prévu que le « Cygne Noir » viendrait d’une crise de santé publique mondiale affectant la première puissance exportatrice du monde puis prioritairement les pays les plus développés. Mais est-ce si étonnant ? Le propre d’un Cygne Noir n’est-il pas la rareté dans un monde de cygnes blancs ?
L’existence de ce rarissime « palmipède » a été popularisée par Nassim Nicholas Taleb dans l’ouvrage du même titre. [1] Il désigne un évènement qui présente les 3 caractéristiques suivantes :
– Son caractère très improbable et non probabilisable car « rien dans le passé n’indique de façon convaincante qu’il ait des chances de se produire » ;
– son impact est considérable ;
– et le fait qu’ex-post nous construisons un argumentaire expliquant sa survenue, ce que N.N. Taleb appelle sa «