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Wendy Brown : « Les frontières ne sont pas des gestes-barrières »

Journaliste

Face à la crise sanitaire, les leaders les plus nationalistes, xénophobes et autoritaires ont amplifié leur discours des frontières. Comme si c’était ces frontières-là, celles qui séparent les États, qui pouvaient stopper le virus. Théoricienne du politique, et spécialiste des murs de toutes sortes érigés entre contrées, Wendy Brown n’est pas surprise, mais elle voit plus loin comment cette crise pourrait nous permettre d’affûter la critique.

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Théoricienne renommée, Wendy L. Brown est professeure de science politique à Berkeley (Université de Californie). Depuis de longues années, elle travaille notamment sur les frontières, et sur l’édification de murs entre les pays. Elle est aussi l’une des critiques les plus incisive du néolibéralisme et du conservatisme. Nous avions déjà publié dans nos colonnes en janvier 2019 un long entretien qu’elle avait accordé à Christian Salmon (à lire ici). AOC

En réponse au coronavirus, nous assistons actuellement à la fermeture généralisée des frontières et même à la construction de nouvelles clôtures frontalières. L’Afrique du Sud construit une clôture le long de sa frontière avec le Zimbabwe, Israël a très tôt fermé ses frontières, les États-Unis et le Canada ont maintenant bouclé leurs frontières sud. En tant que spécialiste des frontières et de leur signification, que pensez-vous de tout cela ?
Je pense que ce dont nous avons besoin ce n’est pas de la fermeture des frontières mais d’une distanciation sociale universelle et des pratiques d’hygiène qui incluent une gestion prudente des frontières intelligentes, qui ont très peu à voir avec les États-nations. Ce que le virus rend de plus en plus manifeste, c’est notre profonde connectivité mondiale et notre manque de protection. Il révèle peut-être notre état commun, mais aussi les inégalités et les limites de l’accès aux soins dans cet espace commun. Mais surtout, je dirais qu’il révèle le malheur d’un ordre mondial organisé par les marchés, par le capital financier et par les États-nations. Ce sont nos principaux outils pour répondre à tout problème, besoin ou crise.

Cette crise sanitaire ne nécessite pas seulement un partage mondial des connaissances, des équipements et du personnel, mais aussi une gestion commune des populations à l’échelle mondiale. Prévenir la propagation du coronavirus signifie empêcher que de nouveaux hôtes ne deviennent disponibles. Et chacun d’entre nous est cet hôte potentiel – au-d


Rosa Schwartzburg

Journaliste

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