Santé

L’hydroxychloroquine : quelle(s) controverse(s) ?

Philosophe, historien des sciences et psychanalyste

Focalisée sur la personne de Didier Raoult, la polémique autour de l’hydroxychloroquine n’est pas vraiment une controverse scientifique. Elle est devenue une controverse autour des élites de la science, mais aussi de ce que, et de qui, nous pouvons croire ou pas, quand rien n’est sûr. Il se pourrait alors que cet épisode, très français, mais aussi très américain, complique un peu plus la question du populisme.

Y a-t-il vraiment une controverse sur l’usage de l’hydroxychloroquine (HCQ), cet antipaludéen commercialisé sous le nom de Plaquenil©, dans le traitement du COVD-19 ? Et s’il y en a une, ou plusieurs, de quelle nature ? Je suggère de décomposer cette question en trois sous-questions.

La première serait d’ordre épistémologique. Didier Raoult donne-t-il des raisons sérieuses de croire que l’HCQ « marche » contre la calamité du moment ? À ce niveau, la controverse pourrait donner l’impression de se réduire à un combat entre savants que nous serions condamnés à observer sur le bord du ring en comptant les points. De toute façon, la chose ne doit pas être bien grave, se dit-on en lisant les comptes rendus de la presse, puisque dans le meilleur des cas, médecins et biologistes s’accordent à dire que l’étude qui a mis le feu aux poudres présente juste des « insuffisances méthodologiques ». Mais enfin, des insuffisances de ce genre, ça n’empêche pas d’exister, et surtout l’HCQ de « marcher » si, après tout, les gens qui en ont pris guérissent.

La deuxième serait d’ordre social et politique. Il y a des pro- et des anti-, mais pas des pro-HCQ et des anti-HCQ, des pro-Raoult et des anti-Raoult. Caractère bien trempé de la scène scientifique française, doté d’un sens certain de la communication, Didier Raoult semble avoir en effet incarné de manière providentielle une figure dont je dirais en conclusion pourquoi il y a beaucoup à craindre aujourd’hui et demain. Cette figure, que Didier Raoult ait voulu ou non l’incarner, c’est celle de l’hyper-expert, voire du génie, mais qui, lui, « sent » et plane au-dessus de la piétaille des experts ordinaires, c’est-à-dire les « élites » comme on les déteste, corsetées dans leurs procédures de validation bureaucratique, leurs lamentables rituels épistémologiques, etc. Un zeste de rivalité Paris-Marseille, des accointances politiques polarisantes, un contexte de désespérance thérapeutique (liste non-exhaustive), et le tour est joué. Nous av


Pierre-Henri Castel

Philosophe, historien des sciences et psychanalyste, Directeur de recherche au CNRS

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