Récit

Amour et sentiments par temps de confinement

Écrivaine

Chi Li, née en 1957, réside à Wuhan. Auparavant médecin spécialisée dans la prévention des épidémies, aujourd’hui écrivaine majeure du courant « néo-réaliste » chinois et dont l’œuvre est traduite en français, Chi Li a publié six textes dans le Xinmin Evening News entre le 17 janvier et le 12 avril, durant le confinement de sa ville. Il est question de choses aussi concrètes que se procurer à manger sans sortir ; ou de sentiments aussi concrets, au fond, eux aussi, que l’amour : quand il s’agit, dans les circonstances actuelles, de prendre soin de soi par amour des autres. Ce récit inédit en français inaugure notre partenariat avec le festival 2020 des Assises internationales du roman, qui se tient du 11 au 17 mai. Rendez-vous chaque jour dans nos colonnes pour un texte d’un auteur étranger.

17 janvier 2020
Pressentiments de Nouvel An : Prenez soin de vous, les chéris

 

Les chéris ? Quels chéris ? Au début, quand cette appellation est apparue sur le Net, j’ai eu du mal à m’y faire. Utiliser ce terme à propos de n’importe qui, j’ai trouvé cela trop familier. Mais si familier soit-il, cela ne l’a pas empêché de croître en popularité, et de s’imposer en un clin d’œil dans tous les milieux, que cela vous plaise ou non. Pas un chat sans qu’on vous donne du chéri : les librairies, les banques, les boulangeries, les salons de coiffure, les pharmacies, les parfumeries, et jusqu’aux publicités indésirables. Il a bien fallu en prendre son parti. Heureusement quand les poux sont trop nombreux on ne les sent plus. Peu à peu je m’y suis habituée et étrangement j’ai vu ce mot d’un autre œil : tout d’abord, c’est un mot commode, un seul caractère en chinois. Et puis vous n’avez pas à hésiter sur le terme d’adresse à utiliser, le même mot convient pour tout le monde, cela simplifie la vie. En outre, jusqu’ici, on ne connaissait pas les formules de politesse, quand on se rencontrait on se contentait d’un « Avez-vous mangé ? ». Même si son apparition a été brutale, ce mot affable est venu opportunément combler un manque. Au besoin, on peut d’ailleurs lui donner un tour ironique. C’est un mot léger qui peut s’appliquer à tout le monde.

Les chéris, donc, écoutez-moi. Aujourd’hui, du fond du cœur, je veux m’adresser à vous, que vous soyez des miens ou que nous ne soyons pas liés par le sang, en ce début de printemps 2020 je vous dis à tous avec gravité : « Prenez soin de vous, les chéris. »

J’ai été malade toute l’année dernière. Une fois en particulier j’ai fait une chute malen­contreuse et me suis gravement blessée. Moi qui m’étais toujours crue peu sujette aux maladies, quoique de constitution frêle, voilà que de mauvais pressen­timents m’ont assaillie lentement, comme des ombres noires, jusqu’à ce que tout à coup la maladie arrive et me terrasse. Quand vous êtes ainsi t


[1]. Vers emprunté à un poème de Lu Xun (1881-1936), datant de 1931. (Toutes les notes sont des traducteurs.)

[2]. Roman publié par Chi Li en 1997.

[3]. Spécialité de Wuhan.

[4]. Ces points sont situés respectivement au centre de la plante des pieds, dans le bas-ventre, au centre de la nuque et entre les sourcils.

[5]. Fête des morts, qui se célèbre début avril. À cette occasion, on brûle de la monnaie factice pour les défunts.

[6]. Bai Yansong (1968-), journaliste de la Télévision centrale de Chine.

 

Chi Li

Écrivaine

Rayonnages

FictionsRécit

Notes

[1]. Vers emprunté à un poème de Lu Xun (1881-1936), datant de 1931. (Toutes les notes sont des traducteurs.)

[2]. Roman publié par Chi Li en 1997.

[3]. Spécialité de Wuhan.

[4]. Ces points sont situés respectivement au centre de la plante des pieds, dans le bas-ventre, au centre de la nuque et entre les sourcils.

[5]. Fête des morts, qui se célèbre début avril. À cette occasion, on brûle de la monnaie factice pour les défunts.

[6]. Bai Yansong (1968-), journaliste de la Télévision centrale de Chine.