Cérémonie – à propos d’Ian Curtis mort il y a 40 ans
En ce matin du 18 mai 1980, Rob Gretton est furieux. C’est dimanche et le manager de Joy Division est de corvée de téléphone. Il accomplit sa tâche avec toute la sensiblerie, toute l’émotion que tolère sa masculinité dans le Nord anglais, peu portée sur l’affichage des émotions, encore moins des larmes. « Ce pauvre connard s’est suicidé », lâche-t-il, homme de peu de mots, au photographe Kevin Cummins. Au patron du label Factory Tony Wilson, son associé dans l’aventure Joy Division enfin en marche, il laisse juste un message : « Ian est mort, on vient de trouver son corps. »
Même gestion de l’énormité, de l’anormalité de la situation pour ces jeunes hommes mal équipés pour les sentiments quand la police prévient le bassiste Peter Hook. « J’ai juste répondu “OK, c’est compris”. J’ai raccroché, je me suis remis à table et j’ai fini mon repas. Là, ma femme me demande : “Au fait, c’était qui au téléphone ?” “Oh, c’est Ian qui s’est suicidé”. Sur le moment, ça n’était pas plus choquant que ça. »
Ian, c’est Ian Curtis. Une des voix les plus graves, singulières et influentes des quarante dernières années. La veille au soir, cette voix s’est étranglée : dans sa petite bicoque de la ville triste de Macclesfield, près de Manchester, Ian Curtis a écouté son idole Iggy Pop, regardé Stroszek de Werner Herzog et s’est pendu dans la cuisine. Dans Stroszek, le personnage central, jeune musicien allemand, perd sa femme au moment de tenter le rêve américain et se suicide. En ce week-end de mai 1980, Ian Curtis a perdu sa femme, qui exige le divorce depuis que son mari vit en Belgique une intense histoire d’amour, et doit le lendemain partir avec son groupe en tournée américaine, celle du grand départ.
L’identification avec Stroszek est sans doute la goute d’arsenic qui fait déborder le vase. Après une première tentative de suicide aux médicaments quelques semaines auparavant, Ian Curtis se pend à un câble électrique, The Idiot sur le tourne-disques. Rongé et terrorisé par