Le virus du sophisme – lettre à André Comte-Sponville
Cher André,
Je te remercie de m’avoir adressé ton texte sur le coronavirus. À vrai dire, il ne m’a pas appris grand-chose, car il reprend dans les mêmes termes, avec les mêmes phrases ou expressions, ce que j’ai lu de toi dans cinq autres textes, également excessivement répétitifs. (Je ne t’ai ni vu à la télévision ni entendu à la radio sur le sujet qui nous occupe, et j’ignore tout des réactions que tes interventions ont suscitées.)

Mon jugement reste inchangé. « Choqué » n’est pas le mot qui convient, comme s’il s’agissait avant tout d’un conflit de valeurs, d’une « guerre des dieux », indécidable donc. C’est beaucoup plus grave que cela. Autant le dire de façon nette, je tiens que, sur ce sujet, tu penses faux et tes arguments sont invalides, ce qui est inquiétant de la part d’un philosophe. Ce n’est que dans un second temps que les jugements de valeur que tu portes me restent au travers de la gorge, ce qui me désole venant de toi. Le caractère répétitif, insistant de ton propos crée un malaise, lorsqu’on comprend qu’il repose sur des sophismes, en vérité un seul, bien repéré d’ailleurs par la logique et la métaphysique.
Tu revendiques l’usage de l’expression « pan-médicalisme ». Je te rappelle (ou t’indique) qu’il y a presque cinquante ans, j’ai, dans mon premier livre, L’Invasion pharmaceutique (1974), écrit en collaboration avec un sociologue aujourd’hui disparu, Serge Karsenty, inventé les expressions « médicalisation de la vie » et « médicalisation du mal-être » ; et que ce livre a suscité l’intérêt d’Ivan Illich, qui m’a confié la tâche d’adapter son livre Medical Nemesis à un public français. Ce n’est donc pas un « sanitairement correct » qui inspire ma critique.
Des arguments et raisonnements faux
1. « Ce n’est pas la fin du monde ! »
Je note avec un amusement modéré, étant donné l’extrême gravité du sujet, qu’au long de tes nombreuses interventions, tu as progressivement diminué l’écart que tu dénonces entre les chiffres de morts prévus et la réalité. A