« Fargo », un défi pour l’imagination politique
Pris de haut avec condescendance, chez Emmanuel Macron, ou glorifiés, mais toujours depuis les sommets de la représentation politique professionnalisée, dans les populismes diversifiés revendiqués par Marine Le Pen, Laurent Wauquiez et Jean-Luc Mélenchon, le populaire et l’ordinaire subissent aujourd’hui une cure de manichéisme et d’aplatissement. Comme j’ai eu récemment l’occasion de le montrer dans un précédent article pour AOC, la diversité des figures du populaire et de l’ordinaire y est écrasée dans des homogénéités concurrentes. La condescendance macronienne tend à ce que les sociologues Claude Grignon et Jean-Claude Passeron ont appelé le misérabilisme et la glorification propre à ses opposants à ce que ces chercheurs ont nommé le populisme. Dans ces jeux politiciens, le misérabilisme déprécie à partir d’une vue de dominant et le populisme racole électoralement en célébrant. Il y aurait donc urgence à rouvrir l’imagination politique. Une série comme Fargo pourrait nous fournir des pistes partielles. Dégager une telle brèche hérétique suppose de clarifier au préalable les rapports entre les différents registres en jeu dans l’analyse : la politique, la sociologie et les séries télévisées. Encore une fois, les catégories associées de « populaire » et d’« ordinaire » ne sont pas prises comme des essences, c’est-à-dire des entités compacts et stables dans le temps, mais sont considérées comme faisant l’objet d’usages divers, en particulier dans des luttes symboliques autour de la définition de leurs caractéristiques.
Les analyses esquissées ici s’inscrivent dans une méthodologie des « jeux de langage » encadrant des dialogues transfrontaliers plus larges entre philosophie, sociologie, engagements politiques et cultures ordinaires (polars, chansons, cinéma, séries, etc.). Je parle de cultures ordinaires et pas de cultures populaires, parce que ces produits culturels ne concernent pas que les classes populaires et qu’ils circulent dans les sociabilités or