Le populaire et l’ordinaire, enjeux politiques en Macronie
Des polarités symboliques anciennes, dotées à la fois d’une autonomie et d’intersections, continuent à travailler les champs politique et médiatique autour du « populaire » et de « l’ordinaire », comme « populaire »/« privilégiés », « populaire »/« cultivé », « peuple »/« élites », « ordinaire »/« remarquable », « ordinaire »/« exceptionnel » ou « ordinaire »/« original ». Les tonalités normativement positives et/ou négatives associées à ces catégories comme leurs frontières sont tout à la fois reproduites, déplacées et transformées dans les usages politiciens et journalistiques actuels.
Il faut dire que les idéaux démocratiques de nos régimes politiques représentatifs professionnalisés, donc à tendances oligarchiques prononcées, ont souvent été historiquement associés au populaire et à l’ordinaire. C’est d’abord le cas du populaire, bien sûr, par la caractérisation même de la démocratie comme forme d’autogouvernement du peuple, puis avec la saga de l’imaginaire socialiste aux XIXe et XXe siècles décrivant la démocratie comme l’émergence politique des classes populaires. Mais, en tant que portant une réévaluation de la place des hommes ordinaires et une montée en dignité du banal, bref en n’alimentant pas seulement des dispositifs institutionnels mais, au-delà, une forme de vie [1], les aspirations démocratiques ont aussi partie liée avec l’ordinaire.
Comment les principaux protagonistes politiques se situent-ils depuis l’élection présidentielle de 2017 en matière de populaire et d’ordinaire ? Avant d’esquisser une vue d’ensemble, il me faut préciser les outils théoriques qui vont nourrir mes analyses.
« Luttes de classements »
autour du populaire et de l’ordinaire
Les catégories associées de « populaire » et d’« ordinaire » ne sont pas prises ici comme des essences, c’est-à-dire des entités homogènes et stables à travers le temps, mais sont inscrites dans ce que Pierre Bourdieu a appelé des « luttes de classements sociaux ». Qu’est-ce à dire ? Ces notion