Politique

Le populaire et l’ordinaire, enjeux politiques en Macronie

Politiste

Le champ politique bataille depuis longtemps autour des catégories de « populaire » et d’« ordinaire ». Stigmatisée, la notion de « populisme » s’est même déplacée en un référent positif à l’extrême droite, à droite et dans la gauche radicale. Où en est-on depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République ?

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Des polarités symboliques anciennes, dotées à la fois d’une autonomie et d’intersections, continuent à travailler les champs politique et médiatique autour du « populaire » et de « l’ordinaire », comme « populaire »/« privilégiés », « populaire »/« cultivé », « peuple »/« élites », « ordinaire »/« remarquable », « ordinaire »/« exceptionnel » ou « ordinaire »/« original ». Les tonalités normativement positives et/ou négatives associées à ces catégories comme leurs frontières sont tout à la fois reproduites, déplacées et transformées dans les usages politiciens et journalistiques actuels.

Il faut dire que les idéaux démocratiques de nos régimes politiques représentatifs professionnalisés, donc à tendances oligarchiques prononcées, ont souvent été historiquement associés au populaire et à l’ordinaire. C’est d’abord le cas du populaire, bien sûr, par la caractérisation même de la démocratie comme forme d’autogouvernement du peuple, puis avec la saga de l’imaginaire socialiste aux XIXe et XXe siècles décrivant la démocratie comme l’émergence politique des classes populaires. Mais, en tant que portant une réévaluation de la place des hommes ordinaires et une montée en dignité du banal, bref en n’alimentant pas seulement des dispositifs institutionnels mais, au-delà, une forme de vie [1], les aspirations démocratiques ont aussi partie liée avec l’ordinaire.

Comment les principaux protagonistes politiques se situent-ils depuis l’élection présidentielle de 2017 en matière de populaire et d’ordinaire ? Avant d’esquisser une vue d’ensemble, il me faut préciser les outils théoriques qui vont nourrir mes analyses.

« Luttes de classements »
autour du populaire et de l’ordinaire

Les catégories associées de « populaire » et d’« ordinaire » ne sont pas prises ici comme des essences, c’est-à-dire des entités homogènes et stables à travers le temps, mais sont inscrites dans ce que Pierre Bourdieu a appelé des « luttes de classements sociaux ». Qu’est-ce à dire ? Ces notion


[1] Sur la démocratie comme forme de vie, voir Albert Ogien et Sandra Laugier, Le Principe démocratie, La Découverte, 2014.

[2] « Macron ne croit pas au “président normal, cela déstabilise les Français” », entretien avec Emmanuel Macron, Challenges.fr, 16 octobre 2016

[3] Voir « De “foutre le bordel” à “ceux qui ne sont rien” : 6 phrases polémiques de Macron », Ouest France, 5 octobre 2017

[4] Voir « Marine Le Pen : “Populiste ? Le mot ne me gêne pas” », entretien dans VSD, 10-16 novembre 2011. Voir aussi l’entretien du 12 mars 2015 de Marine Le Pen avec la journaliste Ruth Elkrief sur BFM TV, Youtube.

[5] Voir Michel Lussault, « Tous urbains ! », AOC,  7 février 2018

[6] Dans son livre La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires (Flammarion, 2014), Christophe Guilluy parle de « la question de la substitution de populations » (p. 64) ; voir Philippe Corcuff, « Christophe Guilluy et Laurent Joffrin : des néocons’ de gauche », Rue 89, 8 décembre 2014.

[7] Ernesto Laclau, La Raison populiste, Le Seuil, 2008, p. 260 et p. 121.

[8] Voir « L’Insoumission est un nouvel humanisme », le Grand entretien avec Jean-Luc Mélenchon, par Julien Bisson et Vincent Martigny, Le 1, n° 174, 18 octobre 2017, repris sur 

[9] Anthony Giddens, Les Conséquences de la modernité (1re éd. 1990), L’Harmattan, 1994, p. 46 et p. 60.

Philippe Corcuff

Politiste, Professeur de science politique à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon, membre du laboratoire de sociologie CERLIS

Notes

[1] Sur la démocratie comme forme de vie, voir Albert Ogien et Sandra Laugier, Le Principe démocratie, La Découverte, 2014.

[2] « Macron ne croit pas au “président normal, cela déstabilise les Français” », entretien avec Emmanuel Macron, Challenges.fr, 16 octobre 2016

[3] Voir « De “foutre le bordel” à “ceux qui ne sont rien” : 6 phrases polémiques de Macron », Ouest France, 5 octobre 2017

[4] Voir « Marine Le Pen : “Populiste ? Le mot ne me gêne pas” », entretien dans VSD, 10-16 novembre 2011. Voir aussi l’entretien du 12 mars 2015 de Marine Le Pen avec la journaliste Ruth Elkrief sur BFM TV, Youtube.

[5] Voir Michel Lussault, « Tous urbains ! », AOC,  7 février 2018

[6] Dans son livre La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires (Flammarion, 2014), Christophe Guilluy parle de « la question de la substitution de populations » (p. 64) ; voir Philippe Corcuff, « Christophe Guilluy et Laurent Joffrin : des néocons’ de gauche », Rue 89, 8 décembre 2014.

[7] Ernesto Laclau, La Raison populiste, Le Seuil, 2008, p. 260 et p. 121.

[8] Voir « L’Insoumission est un nouvel humanisme », le Grand entretien avec Jean-Luc Mélenchon, par Julien Bisson et Vincent Martigny, Le 1, n° 174, 18 octobre 2017, repris sur 

[9] Anthony Giddens, Les Conséquences de la modernité (1re éd. 1990), L’Harmattan, 1994, p. 46 et p. 60.