De la suspension de l’art – pour des états généraux de l’art
Nous avons été confinés et le monde s’est arrêté. Une grande partie de la production, en tout cas, a été suspendue ou considérablement ralentie, accomplissant le sentiment d’une décroissance concertée – espoirs toujours retardés, toujours défaits. Des freins gigantesques ont été serrés sur la cadence effrénée de la production, du mouvement, de l’accélération. Profitant de cet arrêt, de nombreuses voix se sont élevées pour transformer cette suspension en un moment de bifurcation, de reconstruction d’une autre diplomatie avec le vivant, pour redonner priorité aux « communs », changer le travail, redéfinir la production nécessaire, non contingente, selon des critères sociaux, culturels, écologiques.
Beaucoup ont écrit sur ce temps arrêté comme un lieu de production d’une nouvelle subjectivité, qui redéfinirait nos priorités existentielles en ouvrant un espace-temps capable de commencer à défaire les identités auxquelles nous étions assignés. L’art, la lecture, la musique sont alors apparus comme ce qui pouvait ouvrir une brèche dans ce temps suspendu et en augmenter la profondeur, opérer comme un multiplicateur de l’intensité de nos vies, nos vies auxquelles était arraché ce qui en faisait auparavant le sel – le mouvement, la liberté, le plaisir de la sociabilité, le toucher, etc. – des pharmacons pour les cœurs et les esprits.
De 68, il a souvent été dit que l’arrêt du temps fut la condition de la production de quelque chose de nouveau, d’indéterminé, que l’événement de la rupture, de l’arrêt, de l’interruption du temps du Capital, affectait la subjectivité, comme ce fut encore le cas de « Nuit Debout » et de son calendrier suspendu, étendu, d’un mars perpétuel, ou de la dramaturgie hebdomadaire des « Actes des gilets jaunes », où sur les ronds-points, l’on ne voyait plus le monde de la même façon, l’on sentait et ressentait différemment.
Dans ces projections du futur que nous nous faisions dans le passé, la grève générale de la production revenait, tou