Littérature

Le poète mène l’enquête – à propos de Vie et mort de l’homme qui tua John F. Kennedy d’Anne-James Chaton

Essayiste

Devenu un topos littéraire, l’assassinat du président Kennedy n’avait pourtant encore jamais été traité par un poète. Dans Vie et mort de l’homme qui tua John F. Kennedy, Anne-James Chaton décide de combiner, recomposer, monter les documents du meurtre. Loin d’être résolue, l’énigme est relancée. Ce montage de témoignages obéit à l’ambition de saisir la vie plurielle d’un seul individu, paranoïaque, à vif, fuyant.

Dans son précédent livre, composé à partir de matériaux documentaires, fictionnels et langages, Anne-James Chaton revendiquait une extension du domaine de l’enquête, en « renouvel[ant] les techniques d’investigation policière ». L’Affaire La Pérouse s’est en effet attaché à résoudre un des plus saisissants mystères : la disparition de La Pérouse ayant quitté Brest en 1785, aux commandes de deux navires l’Astrolabe et la Boussole.

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Pour élucider cette affaire, bien des enquêteurs s’étaient échinés : explorateurs, experts de la police scientifique, anthropologues… mais le poète manquait à l’appel. Le voilà appelé à la barre, non pour témoigner mais pour combiner, recomposer, monter les documents. Loin d’être résolue, l’énigme est relancée, ses parts d’ombre accentuées : il s’agit moins de stabiliser un savoir, que de remettre en mouvement les pièces du dossier, comme les pièces d’un puzzle pour que le lecteur à son tour les agence mentalement.

Le poète repart sur le terrain pour s’attacher à un nouveau mystère : celui de la mort du président Kennedy. Les règles ne sont pas très différentes, puisque la méthode d’investigation est pour l’essentiel un travail de recomposition, de sélection et de montage, à partir d’un matériau documentaire préexistant. Ici cependant, ce matériau n’est que factuel, c’est une version abrégée du rapport Warren de 898 pages, publié chez 10/18, à quoi s’ajoutent des coups de sonde dans un site internet exclusivement consacré à l’assassinat du président américain par Lee Oswald, rassemblant témoignages, rapports scientifiques, débats judiciaires.

Milliers de pages et de documents, innombrables témoignages souvent répétitifs, il y a là une profusion sinon une démesure documentaire où s’égarer. Voilà certainement en partie pourquoi Anne-James Chaton délaisse le matériau fictionnel qu’il avait rassemblé pour élucider l’affaire La Pérouse : pas de Moby Dick, ni de Moonfleet et encore moins de Robinson Crusoé. Cette hétérogénéité entre do


[1] Muriel Pic, « Le montage de témoignages dans la littérature : Holocauste de Charles Reznikoff », Critique, n°738, 2018, p. 878.

Laurent Demanze

Essayiste, Professeur de littérature à l'Université de Grenoble

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Notes

[1] Muriel Pic, « Le montage de témoignages dans la littérature : Holocauste de Charles Reznikoff », Critique, n°738, 2018, p. 878.