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Les chiens sont de gauche !

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Fable politique, L’Île aux chiens, le nouveau film d’animation de Wes Anderson, oppose une très autoritaire société d’hommes amoureux des chats à la très démocratique société des chiens. Et le choix de ces animaux n’a rien d’anodin, qui renvoie aux découvertes les plus récentes en sciences sociales comme en éthologie.

Siné avait l’habitude de dire « si je préfère les chats aux chiens, c’est qu’il n’y a pas de chats policiers », sous-entendant que le chien ne peut être que de droite, avec son amour de l’ordre et du patriarcat, voire même vaguement collabo, ou au moins lâche. Le chien serait ce lumpenprolétaire qui défend ses maîtres, faute même de comprendre le sens de son aliénation, comme s’en désolait Marx, – une sorte de Luc(h)ien Lacombe des animaux, la « honte du règne animal » (Gilles Deleuze). Se pourrait-il pourtant qu’il en aille tout autrement et que les chiens soient en réalité « de gauche », qu’ils soient même des anarchistes et des révolutionnaires masqués ? C’est ce que Wes Anderson suggère dans son nouveau film.

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La critique l’a signalé : L’Île aux chiens est le premier film politique de Wes Anderson. Ses précédents étaient en effet plutôt centrés sur des familles, des assemblées brinquebalantes, soudées par un père ou un patron défaillant (jusqu’à ce film en « stop-motion », Fantastic Mr Fox, un renard dont la kleptomanie met en danger ses enfants). Incidemment, les seuls chiens qui s’y trouvaient représentés disparaissaient tragiquement, au point que le New Yorker s’était demandé si le réalisateur ne détestait pas les chiens, avant de conclure plus charitablement que le chien lui servait à révéler les dysfonctionnements de la cellule familiale (l’anecdote est rapportée par Elisabeth Franck-Dumas dans Libération).

Le chien se voit promu au rang de symbole politique par Wes Anderson.

Mais L’Île aux chiens ne s’éloigne pas tellement de cette trame narrative en fait. Elle se contente d’en élargir les intéressés à l’échelle d’une ville, voire d’un pays. Ici, le père défaillant est le maire d’une ville japonaise. Celui-ci entreprend de déporter tous les chiens sur une île jonchée de détritus pour protéger la population des risques de contagion qu’une mystérieuse fièvre canine fait courir, y compris son propre chien, Spots, au grand dam d’Atari, son fils


Mark Alizart

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