Unhappy ending – sur Le Tiers Temps de Maylis Besserie
Les vieillards sont-ils encore des hommes ? Quand cesse-t-on d’être une personne pour devenir une personne âgée ? La question se pose, à voir la façon dont nous traitons parfois nos anciens – parqués, oubliés, infantilisés… Quant à nos grands hommes : où passe leur grandeur lorsque le corps les rattrape, et que le vieillissement, avec sa cohorte de misères, les ravale au rang de la commune humanité dans ce qu’elle a de moins glorieux ?

C’est l’un des sujets auxquels se confronte le roman de Maylis Besserie en imaginant la fin de Samuel Beckett. Confiné dans la maison de retraite parisienne où il a passé ses derniers mois, Le Tiers-Temps, avant sa mort en décembre 1989, l’écrivain n’a pourtant rien perdu de son mordant : « En cas d’enquiquinement, la seule véritable arme du vieux est de mourir ou de procéder à une riposte passive. » Dans cette « résidence de standing à taille humaine » (comme le précise aujourd’hui encore le site Internet de la maison de retraite), Beckett résiste à la mort qui vient, au corps qui lâche, à la tête qui fuit : et tâche de rire encore un peu, se souvenir encore un peu, écrire encore un peu.
Une œuvre sans suspense
Entré au Tiers-Temps juste après la mort de son épouse Suzanne, le vrai Samuel Beckett écrit entre juillet et décembre 1989 sa dernière œuvre, un poème en français intitulé « Comment dire », qui commence par le mot « Folie ».
Le Beckett de Maylis Besserie s’échine lui aussi à écrire encore, courbé chaque nuit à sa table de travail. Et puisque c’est lui qui raconte son quotidien, ramassé autour de sa chambre, on est d’emblée en terrain connu. Les claudications du style, les répétitions et les raccourcis, les associations d’idées et les points de bascule sont bien là – et par-dessus tout l’humour noir, l’autodérision et le goût du trivial, voire de l’obscène. Plus encore qu’avec Beckett, on est ici chez Beckett, sans l’ombre d’un doute : en huis clos avec une subjectivité réduite à elle-même, une tête parlante, ressassante, b