Littérature

Mondialisation frénétique et quête d’absolu – sur Le grand vertige de Pierre Ducrozet

Écrivain

Le grand vertige de Pierre Ducrozet est un livre brillant et possiblement générationnel, une tentative ambitieuse de répondre par un récit-monde aux interrogations contemporaines les plus brûlantes, environnementales, politiques, peut-être esthétiques… L’écrivain répond aussi indirectement à une question qui se pose à chaque rentrée littéraire, sur le rapport entre le roman et le réel. Le résultat désigne-t-il une nouvel horizon romanesque ? On hésitera à trancher, mais le pari est sans conteste passionnant.

À chaque rentrée littéraire, l’effet de calendrier aidant, on dirait que revient presque rituellement la question du rapport du roman au réel, et de sa capacité à saisir quelque chose du monde où nous sommes… Cet authentique marronnier journalistique, post-balzacien, semble même avoir repris des couleurs depuis les années 2000 et l’espèce d’irradiation sardonique du succès de Michel Houellebecq, lequel a vite suscité la vocation d’épigones nombreux, parfois éphémères et souvent mineurs, disons-le, œuvrant avec plus ou moins de bonheur à construire une manière de néo-Comédie humaine qui intégrerait le bouleversement des régimes de communication, la globalisation galopante des échanges, les ressorts contemporains du monde marchand, etc.

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Pierre Ducrozet est-il de cette descendance ? Assurément non, ou alors a contrario, même si son objet est bien le présent, voire le futur, et son propos d’écrivain de dire explicitement où nous en sommes (comme il se propose de le faire, par ailleurs, en tenant dans Libération la chronique « Résidence sur la terre »). Mais il n’y a pas dans l’énergie de sa posture, et l’emportement d’un style que l’on retrouve avec plaisir dès les premières pages du Grand vertige, cette ironie de vieux gars féroce qui s’amuserait à détricoter notre époque comme un pull d’un autre âge. Question de génération ? Peut-être. Ducrozet a 38 ans, il a fait le tour du monde, vécu à Berlin, s’est installé à Barcelone, a été récompensé du Prix de Flore et remarqué pour des romans crânement contemporains, où il est question de hackers ou de Basquiat, de transhumanisme et de mondes virtuels.

Il y a chez lui un peu du « bobo globe-trotter » qui peut agacer, admettons-le, mais aussi une espèce de ferveur communicative qui correspond bien au grand vertige, lequel porte son titre comme un programme de lecture et affirme dès l’argumentaire son ambition de roman-monde : sollicité par les instances européennes pour réagir aux catastrophes annoncées par le chang


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

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