Politique

Quartiers populaires, quelques gouttes suffisent…

Enseignant

Dernière en date des bulles politiques et médiatiques qui visent périodiquement les quartiers populaires, la sortie du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin au quartier du Mistral à Grenoble tourne au ridicule et offre l’occasion de s’interroger sur la manière dont une nouvelle gauche pourrait enfin reprendre l’initiative sur le terrain.

Avant de lancer son opération de communication dans le quartier du Mistral à Grenoble (bilan : 2 scooters confisqués) suite à la diffusion d’images montrant des personnes armées devant des fresques murales, Gerald Darmanin aurait mieux fait de consulter quelques avis. Celui du maire concerné, d’abord, qui a eu raison de dire tout le mal que produit ce type de pratiques politiques sur les territoires ainsi violemment montrés du doigt. Celui de personnes maîtrisant les codes des clips de rap français contemporain : la « mise en scène » qui apparaît sur les images ressemble fortement… à une mise en scène de certaines productions du « Rap Game » (rappelons que nous parlons ici de la musique la plus écoutée, et de loin, en France), et aurait dû pousser à la réflexion avant l’emballement général. Enfin, il aurait fallu consulter, ou plutôt écouter, les jeunes du quartier qui dès le 26 août et le premier point presse du préfet de l’Isère, alertaient ce dernier sur le caractère factice des armes et des images considérées.

Bref, c’était un clip de rap et le fougueux ministre s’est, une nouvelle fois, un peu « ensauvagé » tout seul.

Finalement, dans ce feuilleton ridicule, la meilleure punchline viendra (et c’est logique) du jeune rappeur Corbak Hood, 16 ans : « Seules les friandises sont vraies ». Cette phrase est un constat implacable. Elle pourrait constituer une magnifique réponse par l’absurde aux bulles politiques et médiatiques qui visent périodiquement les quartiers populaires.

En 1998, le groupe Ärsenik nous offrait son premier album, Quelques gouttes suffisent, érigé immédiatement en classique du Hip-Hop français. Régulièrement interrogés sur cette œuvre dont l’aura a augmenté avec le temps, Lino et Calbo (les deux frères qui composent le groupe) répondent toujours la même chose : cet album était le reflet d’une époque où la vocation politique faisait partie de l’effet de style. Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position ? Cette phrase culte, que nous le


[1] L’ouvrage de Karim Hammou, Une histoire du rap en France, offre une interprétation documentée des processus de construction de ces différents conflits, replacés dans le développement complexe d’un mouvement musical original, marqué par une illégitimité politique paradoxale qui ne doit pas masquer des conflits propres au monde artistique.

[2] Voir à ce titre les publications régulières du Forum Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP), ou encore le travail récent de l’association Takticollectif à Toulouse pour son exposition Ô Bledi, en passant par les références appuyées du Comité Adama aux mobilisations et expériences du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB).

[3] Voir à ce titre deux ouvrages récents qui font état de ces systèmes. Pour Corbeil-Essonnes : Piriou, Bruno, Rabaté, Ulysse, L’argent maudit. Au cœur du système Dassault, Fayard, 2015. Pour Bobigny : Szeftel, Eve, Le maire et les barbares, Albin Michel, 2020.

[4] Cf notre article avec Abdel Yassine pour AOC : « Politique Beurk, Politique Beurk »

Ulysse Rabaté

Enseignant, Président de l'association Quidam pour l'enseignement populaire, Ex-Conseiller municipal de Corbeil-Essonnes

Notes

[1] L’ouvrage de Karim Hammou, Une histoire du rap en France, offre une interprétation documentée des processus de construction de ces différents conflits, replacés dans le développement complexe d’un mouvement musical original, marqué par une illégitimité politique paradoxale qui ne doit pas masquer des conflits propres au monde artistique.

[2] Voir à ce titre les publications régulières du Forum Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP), ou encore le travail récent de l’association Takticollectif à Toulouse pour son exposition Ô Bledi, en passant par les références appuyées du Comité Adama aux mobilisations et expériences du Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB).

[3] Voir à ce titre deux ouvrages récents qui font état de ces systèmes. Pour Corbeil-Essonnes : Piriou, Bruno, Rabaté, Ulysse, L’argent maudit. Au cœur du système Dassault, Fayard, 2015. Pour Bobigny : Szeftel, Eve, Le maire et les barbares, Albin Michel, 2020.

[4] Cf notre article avec Abdel Yassine pour AOC : « Politique Beurk, Politique Beurk »