« Politique, beurk, politique, beurk »
Cette scène se déroule en pleine campagne électorale. Lors d’une petite fête de quartier, nous croisons un ami graffeur, qui anime un atelier en direction des jeunes du coin. Nous sachant en campagne, il nous indique la présence d’une célébrité des réseaux sociaux, et nous invite à aller à sa rencontre. Pourquoi pas ? Cette personnalité est très suivie par les jeunes générations et pourra les intéresser à notre campagne. Mais dès que nous nous approchons et que nous lui indiquons qui nous sommes, la discussion vire au cauchemar : il nous filme avec son téléphone, faisant l’aller-retour entre son visage qui grimace et nos corps désemparés, tout en criant « politique, beurk, politique, beurk ». La discussion animée qui suivra ne changera rien. La vidéo est déjà sur les réseaux sociaux, noyée au milieu d’autres innombrables, mais avec un message on ne peut plus clair : « si vous nous prenez la tête avec la politique, vous savez ce qui vous attend ». Le jeune comique nous dira même en partant : « c’est pas contre vous hein ! ».
« Un engagement contre l’engagement ».
« C’est pas contre vous… » Et bien si justement. Comme le décrit Geoffroy De Lagasnerie quand il interroge la possibilité de « penser dans un monde mauvais », derrière le discours du désengagement et de la « fausse neutralité », se cache en réalité un engagement bien réel : celui pour l’ordre des choses, pour que rien ne change. « Un engagement contre l’engagement ».
Ce phénomène est loin d’être nouveau en politique. En revanche, ce que nous identifions aujourd’hui, c’est l’incroyable faiblesse de la politique comme idée, comme valeur, comme représentation, son incapacité contemporaine à produire des normes de comportement et des conduites engagées. En face de « l’engagement contre l’engagement », l’engagement lui-même se porte sans doute plus mal qu’hier, et la fausse neutralité n’a jamais tant triomphé. Cet état de fait, que l’expérience militante peine à contredire aujourd’hui, ne sort pas de