Moria, à l’abandon du monde
Mother, I am left.
Mother, mother, fire.
Help, help.
Mustafa, dix-huit ans, rencontré au mois de février dans le camp de Moria, appelle au secours. Il le fait, sur Whatsapp, dans la nuit. Mercredi 9 septembre, entre trois et quatre heures. Je ne comprends pas. Sur la première vidéo, des enfants masqués se faufilent sur un chemin en poussant des cris. Disciplinés malgré tout, l’heure est grave. Ils s’éclairent des lampes torches de leurs téléphones. On entend des explosions. Les enfants sursautent, crient. Ils se reprennent, se guidant mutuellement. On les voit de dos à présent, certains portent des sacs à dos. Mustafa filme, il prend le temps. Plan plus large. Les immenses flammes, rouges, les montagnes de fumée noire sur le noir de la nuit. Retour à la cohorte des exilés : sacs immenses à la main, sacs poubelles, certains poussent des valises.
Mustafa, en février, espérait qu’il aurait, sur sa carte de demandeur d’asile, le tampon rouge, celui de la vulnérabilité. Il a obtenu la couleur bleue. Nous n’avons pas le début du début d’une langue commune, sauf à l’écrit, via Google. Alors au téléphone, sans parler, il pleure longuement. La couleur bleue : celle qui fait que tu n’es pas transféré. Que tu restes entre les champs d’oliviers, dans l’île. L’asile lui a été refusé, tout de suite après le choc du bleu. Mustafa ne sait pas comment faire un recours. Les avocats, à Lesbos, sont débordés. Et puis Mustafa (qui n’a pas été jugé vulnérable, qui ne sait pas montrer sa vulnérabilité, qui a fait l’effort contraire et constant de sourire), ne sait ni où ni comment les rencontrer. Mytilène : en février, Mustafa ne sait pas le nom de la ville, si près du camp sauvage de Moria, où il est, depuis des mois, en attente. C’est grâce à Rouddy qu’on a pu arranger ça, le rendez-vous pour le recours.
Rouddy arrangeait ça, parlant anglais à un Afghan, qui parlait farsi à Mustafa.
Mustafa attendait de faire son recours et c’est alors que tout s’est arrêté. Que la vulnérabil