Société

Bifurquer, toujours : continuer après Bernard Stiegler

Journaliste

Bernard Stiegler nous a quittés le 5 août dernier. Il avait 68 ans. De lui on retient le parcours extraordinaire d’un braqueur de banques, qui fourbit les armes de sa pensée en prison, dévorant des ouvrages de littérature et de philosophie chaque jour de sa détention. De lui on retient aussi son œuvre foisonnante sur la technique, le numérique et la manière dont ce progrès change notre environnement et le lien qui nous unit. Une œuvre vivante et évoluant tout à la fois dans les différents groupes de réflexion qu’il a constitués, dans ses livres et sur le terrain. Trois dimensions d’une œuvre qui se nourrissaient les unes les autres. Que nous laisse-t-il aujourd’hui ? Comment cette œuvre continuera-t-elle à vivre ?

Le 5 août dernier nous quittait le philosophe Bernard Stiegler. Il avait 68 ans. Il venait de publier avec le collectif Internation un ouvrage intitulé Bifurquer. L’ancien directeur de l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) et fondateur du groupe de réflexion philosophique Ars Industrialis, devenu l’Association des amis de la génération Thunberg, écrivait en guise d’ « Avertissement » à ce dernier ouvrage : « La pandémie qui a paralysé le monde en quelques semaines révèle désormais comme une évidence l’extraordinaire et effroyable vulnérabilité de l’actuel “modèle de développement” (…) Elle prouve que ce modèle est condamné à mort et qu’il nous condamnera à mort avec lui, où que nous soyons dans le monde, si nous ne le changeons pas. »

publicité

C’est une écriture de l’urgence que celle de Bernard Stiegler. Il y a du « maintenant ! » avec un point d’exclamation dans chacune de ses phrases. Il nous enjoint. À nous aimer nous-mêmes pour aimer les autres, lutter contre cette perdition du Nous, qui peut nous rendre fous jusqu’au meurtre de masse (Aimer, s’aimer, nous aimer, 2003), à Réenchanter le monde (2006), à ne pas nous laisser engloutir par une technologie tueuse de désirs dans Dans la disruption (2016) …

Ses livres, jusqu’au dernier donc, s’ancrent plus que jamais dans ce temps où il faut faire, changer, penser, panser. Bifurquer.

« Je crois que Bernard Stiegler était obsédé par l’idée d’actualiser la pensée de chaque philosophe (…) Manquer un problème ou ne pas anticiper les conséquences d’un changement dans le système technique apparaissait comme une véritable faute pour Stiegler. Il dresse ainsi un portrait des philosophes par les problèmes qu’ils n’ont pas vu ou pas su voir alors qu’ils émergeaient à leur époque. » écrit le designer et doctorant à l’Institut de géographie de l’Université Paris 1 Clément Gaillard dans « Comment faire de la philosophie à présent ? », un hommage à Stiegler publié sur son site personnel au mois de septembre dernier.

Indi


* Ont notamment participé à l’élaboration et la mise en place de ce Territoire apprenant contributif les philosophes Anne Alombert et Giacomo Gilmozzi, la pédopsychiatre Marie Claude Bossière , l’informaticien Yves-Marie Haussonne,  la développeuse de projet Anne Kunvari, le biologiste Mael Montevil, l’économiste Clément Morlat, le juriste Théo Sentis, le directeur de l’Institut de recherche et d’innovation Vincent Puig et le designer Riwad Salim

[1] « Economie de la contribution et innovation sociétale », paru dans la revue Innovations en 2011.

Émilie Chaudet

Journaliste

Notes

* Ont notamment participé à l’élaboration et la mise en place de ce Territoire apprenant contributif les philosophes Anne Alombert et Giacomo Gilmozzi, la pédopsychiatre Marie Claude Bossière , l’informaticien Yves-Marie Haussonne,  la développeuse de projet Anne Kunvari, le biologiste Mael Montevil, l’économiste Clément Morlat, le juriste Théo Sentis, le directeur de l’Institut de recherche et d’innovation Vincent Puig et le designer Riwad Salim

[1] « Economie de la contribution et innovation sociétale », paru dans la revue Innovations en 2011.