International

Le péril russe aux Etats-Unis, un péril intérieur

Sociologue

Il y a quelques jours, le directeur du renseignement américain a accusé l’Iran d’avoir obtenu des informations sur les listes électorales américaines, ainsi que la Russie, de nouveau soupçonnée d’ingérence numérique. Pourtant, si l’existence d’une cybermenace russe ne fait plus guère de doute, il ne faudrait pas non plus exagérer son influence, dans la mesure où elle ne fait que s’appuyer sur les divisions internes qui fracturent les États-Unis depuis plusieurs décennies. Aussi le péril russe est-il d’abord un péril intérieur.

« Don’t meddle in our elections ! » Donald Trump a-t-il jamais paru aussi goguenard que ce 28 juillet 2019, invitant le président russe à ne pas se mêler des scrutins américains ? Et Vladimir Poutine de lui retourner, pénétré de la même arrogance, son sourire ironique. Pourtant, les doutes quant à l’immixtion de pirates informatiques russes dans l’élection présidentielle de 2016 avaient déjà été levés. Le procureur Robert Mueller avait rendu plusieurs mois auparavant le rapport attestant ces tentatives d’ingérence, abondant dans le sens d’autres rapports produits par des journalistes indépendants, par Facebook et Twitter.

Ces enquêtes demeurent néanmoins impuissantes à établir des collusions précises entre les équipes républicaines et la puissance russe. Tout au plus relèvent-elle un certain laisser-faire, un silence manifeste qui tendrait à minimiser la réalité des cybermenaces. Silence partiellement rompu, le mercredi 21 octobre, par un proche de Donald Trump, le directeur du renseignement américain John Rattcliffe, qui s’est exprimé publiquement au sujet d’une campagne d’emails intimidants conduite sous pavillon iranien sur le sol américain[1]. D’aucuns se sont étonnés que l’administration Trump, qui s’aveugle à une menace russe très sérieuse et organisée, s’attache à de telles vétilles. Pour des observateurs rompus à la cyberguerre, les informations publiques et largement accessibles utilisées par les pirates iraniens, telles des noms, adresses emails et affiliations à un parti, ne permettent pas de qualifier de piratage les campagnes d’intimidation présentées par Rattcliffe.

La réalité de la cybermenace russe

La force de frappe de la menace russe apparaît au contraire d’autant plus sérieuse qu’il a été établi ces dernières semaines qu’un groupe de pirates liés au Service fédéral de sécurité russe, le FSB, avait infiltré plusieurs réseaux informatiques étatiques et locaux. Il n’y a là qu’un versant de la puissance de feu russe, les cyberattaques s’appuyant sur


[1] Des électeurs démocrates ont reçu des emails abusivement signés Proud Boys, un groupe d’extrême droite américain, leur intimant l’ordre de reporter leurs voix vers Trump.

[2] Voir un article du New York Times : « Officials say Russia’s ability to change vote tallies nationwide would be difficult ».

[3] Selon Benkler, Faris et Roberts, des accusations de fraudes électorales contre Clinton apparaissent déjà dans les débats publics en 2016. Celles-ci sont à l’initiative de Trump et les comptes Twitter factices rattachés à l’IRA ont amplifiées ces accusations mais ne les ont pas créées.

Benjamin Tainturier

Sociologue, Doctorant au médialab de SciencesPo

Notes

[1] Des électeurs démocrates ont reçu des emails abusivement signés Proud Boys, un groupe d’extrême droite américain, leur intimant l’ordre de reporter leurs voix vers Trump.

[2] Voir un article du New York Times : « Officials say Russia’s ability to change vote tallies nationwide would be difficult ».

[3] Selon Benkler, Faris et Roberts, des accusations de fraudes électorales contre Clinton apparaissent déjà dans les débats publics en 2016. Celles-ci sont à l’initiative de Trump et les comptes Twitter factices rattachés à l’IRA ont amplifiées ces accusations mais ne les ont pas créées.