Foucault en Iran – Retour sur un voyage (1978-1979)
Si l’intérêt passionné et empathique de Foucault à l’égard de la révolution iranienne a pu étonner « l’opinion éclairée », ce fut essentiellement pour des raisons triviales tenant au caractère religieux de l’événement auquel la sensibilité politique de l’intelligentsia de l’époque était sourde. Pourtant, il y aurait eu d’autres raisons bien plus légitimes de manifester son incrédulité.
La révolution iranienne ne heurtait pas seulement le sens commun, elle contredisait bien davantage encore la rupture épistémologique capitale que Foucault avait introduite dans le champ philosophique à partir de 1976 avec les notions de biopouvoir et de biopolitique : le pouvoir cesse d’être celui qui donne la mort, le pouvoir est ce qui administre la vie. Foucault balaiera tous les contre-exemples en mesure de contredire ce diagnostic, y compris l’événement du nazisme, y compris l’émergence du pouvoir de destruction généralisée de l’atome spécifique du XXe siècle, cette bombe atomique dans laquelle, Lacan ou Heidegger avaient perçu au contraire l’extension à un niveau « historial » de la mort.
Or, si la révolution iranienne fut elle aussi un contre-exemple éclatant de la biopolitique, Foucault, contrairement à ce qu’il avait semblé faire avec l’atome ou l’entreprise nazie, n’a pas entrepris d’adapter l’événement au cadre de cette nouvelle épistémologie promise à durer, en en minorant la singularité ou en en adoucissant le caractère disruptif. C’est même peut-être pour constituer la révolution iranienne en point de résistance inexpugnable à sa propre pensée que Foucault s’est rendu sur place entre 1978 et 1979 et en a ramené ces prodigieux documents que constitue la série d’articles qu’il rédigea alors.
Foucault est tout à fait conscient que la révolution islamique se déploie sous la domination d’une métaphysique de la mort. Guillaume Le Blanc, dans un livre par ailleurs très riche, tente d’inscrire l’aventure iranienne de Foucault dans la nouvelle logique historique inst