Société

L’invention de l’islamo-gauchisme – sur le postcolonial (3/3)

Historien, Historien

Alors que Frédérique Vidal souhaite mener une enquête sur l’« islamo-gauchisme » à l’université en vue d’évaluer notamment les travaux utilisant la catégorie de « race », les postcolonial studies font de nouveau l’objet de vives attaques. Nicolas Bancel et Pascal Blanchard affirment, dans ce dernier volet d’une série d’articles, que leurs détracteurs, à force de nier l’héritage colonial au nom d’idéaux universalistes, poussent la France sur la voie d’une d’une guerre des identités… Il est temps d’avoir une lecture ouverte de notre passé colonial, ni restrictive ni idéologique, de manière à dépasser ce qui demeure un « tabou ».

Ce troisième (et dernier) article sur les études postcoloniales se propose de revenir sur les attaques du mois de décembre 2019 publiées dans L’Express et L’Express.fr dans deux textes amalgamant les chercheurs proches de postcolonial studies et les militants décoloniaux radicalisés, à travers un article d’Amandine Hirou (« Les obsédés de la race noyautent le CNRS ») et surtout une tribune pilotée par Pierre-André Taguieff, Laurent Bouvet et quatre autres signataires (« Les bonimenteurs du postcolonial business en quête de respectabilité académique ») afin de mettre en exergue les motivations politiques et idéologiques des signataires de la tribune et de mieux comprendre le débat actuel autour de l’« islamo-gauchisme », terme qu’ils ont inventé et développé depuis et qui s’inscrit pleinement dans l’actualité avec les propos polémiques de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

On comprend mieux cette polémique à l’aune, aussi, du dernier livre de Pierre-André Taguieff, L’imposture décoloniale. Science imaginaire et pseudo-antiracisme (Éditions de l’Observatoire / Humensis), d’une série d’interviews récentes dans les médias et enfin d’une tribune collective dans Le Monde (le 30 octobre 2020) contre les « idéologies indigéniste, racialiste et “décoloniale” », dont l’objet – depuis le texte fondateur de décembre 2019 – est de dresser la liste des chercheurs à stigmatiser dans une forme de maccarthysme du XXIe siècle.

Après la construction d’informations erronées à partir de sources contestables, l’attaque ultime des auteurs de la tribune de L’Express, l’estocade à la bête qui bouge encore, doit viser l’un des responsables du Groupe de recherche Achac (Pascal Blanchard, un des auteurs du présent texte), pour prouver que toutes les études postcoloniales sont « sans valeur ». Et là, on sort la grosse artillerie. On va même chercher des alliés chez des proches des Indigènes de la République pour les attaquer, on fabrique de fausses inf


[1] Voir la partie conclusive de notre précédent article : « Professer le faux : il faut brûler l’histoire coloniale ».

[2] Voir cet article de la Revue des deux mondescelui-ci du Figarocelui-ci de Pilefacecelui-ci de Libération ou encore cette tribune signée par plus d’une centaine d’universitaires publiées par Libération.

[3] Quelques heures avant la tribune de L’Express, Jean Sévillia donne une interview au Figaro : « Emmanuel Macron a une lecture anachronique de la colonisation », le 23 décembre 2019.

[4] Voir à ce sujet la réponse de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, « Décolonisations : regarder l’histoire en face », Politis, 4 novembre 2020.

[5] Elle a cosigné une tribune dans Marianne, « Un antiracisme sectaire à l’assaut des facs : malaise dans la culture juvénile », le 5 juin 2018.

Nicolas Bancel

Historien, Professeur ordinaire à l'Université de Lausanne

Pascal Blanchard

Historien, Chercheur associé au CRHIM (UNIL)

Rayonnages

Société

Mots-clés

Laïcité

Notes

[1] Voir la partie conclusive de notre précédent article : « Professer le faux : il faut brûler l’histoire coloniale ».

[2] Voir cet article de la Revue des deux mondescelui-ci du Figarocelui-ci de Pilefacecelui-ci de Libération ou encore cette tribune signée par plus d’une centaine d’universitaires publiées par Libération.

[3] Quelques heures avant la tribune de L’Express, Jean Sévillia donne une interview au Figaro : « Emmanuel Macron a une lecture anachronique de la colonisation », le 23 décembre 2019.

[4] Voir à ce sujet la réponse de Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, « Décolonisations : regarder l’histoire en face », Politis, 4 novembre 2020.

[5] Elle a cosigné une tribune dans Marianne, « Un antiracisme sectaire à l’assaut des facs : malaise dans la culture juvénile », le 5 juin 2018.