Professer le faux : il faut brûler l’histoire coloniale – sur le postcolonial (2/3)
Ce qui est en débat, ici, face à la tribune « Les bonimenteurs du postcolonial business en quête de respectabilité académique » publiée dans L’Express, signée par Laurent Bouvet, Pierre-André Taguieff et d’autres, c’est le jeu constant entre le vrai et le faux que pratiquent les six auteurs pour dénigrer les études postcoloniales, leur dénier toute légitimité scientifique et les amalgamer à l’engagement militant des « décoloniaux ». En gros, pour prétendre qu’il ne faut surtout pas regarder en face le passé colonial et pronostiquer que ce passé est dangereux pour cette « jeunesse » issue des immigrations de l’ex-empire.
Pour avoir raison sur le fond, on manipule la forme, on mélange les sujets et on attaque les personnes, dans la pure tradition du maccarthysme. Les attaques personnelles contre des chercheurs, sans tenir compte des effets sur leurs vies privée et professionnelle, d’une violence indigne ? Aucune importance à leurs yeux, l’important c’est de dénigrer ceux qui veulent regarder autrement le passé colonial et accompagner la République dans ce travail de construction d’un récit commun. L’utilisation de faux et de textes polémiques comme des preuves ? Qu’importe.
En fin de compte, se pose une série de questions face à de telles méthodes. A-t-on le droit de falsifier la vérité pour défendre ses idées ? A-t-on le droit de s’attaquer à une personne, à son travail, à son parcours, à sa carrière pour le décrédibiliser et en fin de compte le marginaliser socialement, intellectuellement et universitairement ? Cette violence est-elle acceptable au nom du débat d’idée ? Elle ne l’est pas pour nous, sans doute parce que nous n’avons jamais, en trente ans d’engagements scientifiques, vu de telles attaques envers des universitaires. Mais cette méthode semble opportune aux signataires.
Habituellement, ceux qui sont visés décident de se taire, pétrifiés par de telles attaques, espérant pieusement qu’elles s’éteindront d’elles-mêmes. Notre choix est différent.