À l’écart des moutons de Panurge – sur Roue libre de Cécile Guilbert
En préambule au recueil de ses chroniques publiées par Charlie Hebdo, qui s’intitule Chroniques de l’homme d’avant, Philippe Lançon écrit : « Le chroniqueur n’est ni enquêteur, ni reporter, ni éditorialiste. C’est une petite voile dans la tempête et sous un ciel de plomb. L’actualité, même s’il la prend au sérieux, n’est qu’un prétexte. Il est payé pour écrire depuis ce qu’il est ».
Qui est Cécile Guilbert, dont les chroniques hebdomadaires pour le quotidien La Croix sont réunies dans Roue libre, en lice pour le Prix Renaudot dans la catégorie « essais » et d’ores et déjà récompensé par le Prix de la critique de l’Académie française ? Elle est une intellectuelle à la personnalité affirmée, qui écrit évidemment depuis ce qu’elle est, c’est-à-dire une véritable anticonformiste. Elle est écrivain et essayiste (ne dites surtout pas « auteure » ou « autrice », elle ne supporte pas la « féminisation des titres ») aux opinions tranchées, vent debout contre la « moraline », le « vertuisme » et l’hystérisation actuelle des débats, elle qui a signé en 2018 la fameuse tribune des femmes publiée par Le Monde qui fit scandale car elle fut sous le coup « de la mauvaise foi présentée comme la revendication du droit à être importunée ».
Cécile Guilbert est une grande et excellente lectrice, en particulier de Barbey d’Aurevilly, Philippe Murray et Philip Roth, qui reposent « au paradis des esprits libres ». Elle a écrit sur Andy Warhol, Saint-Simon et Vladimir Nabokov, qui n’étaient pas des hommes faciles. Elle observe la société du spectacle et lui règle son compte. Guy Debord revient souvent sous sa plume, elle le connaît mieux que la majorité de ceux qui le citent, elle lui a consacré un livre.
Sans empiéter sur le terrain de l’éditorialiste, Cécile Guilbert ne tait pas ses opinions. Elle se lance dans la « tempête », pour reprendre le mot de Philippe Lançon. Elle crée même l’intempérie, transporte la bataille sur la page. Parfois c’est un peu trop, le lecteur plie sou