Les Trois Sirènes
Il était passé onze heures. La nuit était tombée depuis longtemps. La lune pleine et rousse riait de toutes ses bouches ouvertes. Des gerbes de rayons s’en échappaient, rassemblés en un voile s’effilochant sur la mer. Sans cela, rien n’aurait permis de voir les bateaux, au loin, traverser sans fanaux l’horizon clandestin. Les rouleaux ininterrompus, que le vent du Sud portait depuis le ventre de Neptune, soulevaient ce linceul attentif à la moindre défaillance du monde terrestre. Sur le rivage où venait s’échouer l’écume rageuse, deux pêcheurs s’étaient mélangés à l’obscurité, solitaires l’un de l’autre, loin de la terrasse de bois d’où venait la musique de l’autre côté de la route de terre. Ils avaient planté leurs lignes dans le sable encore chaud, sous la protection, croyaient-ils, du tapis d’étoiles qui recouvrait la nuit. On pouvait s’attendre à ce qu’ils ferrent quelque monstre marin aguichant mais hostile.
À cette heure d’espérance et de tension infinies, les dieux de la mer, habilement grimés en forme de naïades aux chairs luxuriantes et au sourire moqueur, attendent. Cachés dans le creux des vagues toutes proches des sables du lido, ils guettent les dieux descendus des collines calcaires, parés de mâle insouciance et de muscles tendus.
Les sandales s’emplissaient du sable de la route, reversé à chaque foulée. Par bribes, arrivaient des phrases dispersées par le vent. Une musique sans nom devenait plus épaisse lorsque l’on approchait. Elle venait de la terrasse de bois protégée par un toit de planches formant un carré à peine pointu en son centre, de l’autre côté de la route. On entendait des tubes pleurnichards, trémoulinés par des bellâtres aux cheveux gominés, à la barbe négligée de deux jours, à la chemise blanche échancrée et fourrée de poils où devait pendre une chaîne dorée. Cette indécence opiniâtre se hurlait comme si le ciel était sourd à leurs prières di amore, et l’on sentait monter des abysses toutes proches, en contrebas du chemin, une haine généreuse et mortelle qui pesait dans la bouche et asphyxiait la gorge. On pressait alors le pas pour sortir de la nuit et au moins voir le danger, puis on montait les quelques marches de bois qui menaient à cette grande salle ouverte, seul abri possible éclairé de néons, où trônait l’énorme juke-box brailleur, au milieu d’un pilier de tubes métalliques soutenant la charpente.
Là, sous la lumière blanche et insidieuse, des groupes de garçons fiers et présomptueux reluquaient les filles assises pour la plupart sur la murette qui fermait la terrasse du côté de la mer au-dessus de la route. D’autres filles étaient installées aux tables de plastique blanc, attendant les garçons qui allaient et venaient. Puis, tout d’un coup, sans qu’on n’ait pu ni prévoir ni deviner le mouvement, ils furent tous rassemblés autour de quelques tables, sur le devant de la terrasse, laissant libre la plus grande partie de l’espace. Les deux demoiselles, derrière le bar, prirent leurs plateaux et s’approchèrent depuis le fond.
À peine dix-sept ans, le visage déjà marqué par la vie, vêtue d’une peau bronzée, Pia s’asseyait sur les genoux de l’un, jetant la tête en arrière, puis sur ceux de l’autre, l’embrassant dans le cou. Plus tard elle se levait et allait embrasser les garçons ou discuter avec les filles. Les demoiselles du bar apportèrent des boissons sucrées, des glaces et des bouteilles de bière encore blanchies de froid. Les garçons buvaient les quarante centilitres de liquide ambré et recommençaient. Les filles gardaient leur calme, arborant leurs poitrines en éveil et leurs bouches en attente. Mais aucune, sauf Pia qui embrassait, ne bougeait davantage que le strict nécessaire pour boire ou porter la cuiller aux lèvres, et dire le moins de mots possible, tant l’attention était entièrement tendue vers la lolita qui tournait en rond, attendant on ne savait quoi. Pia semblait évoluer dans le vide, comme s’il lui manquait quelque chose. Ses yeux cherchaient parfois ailleurs ce qui n’y était pas, certainement ni dans le groupe de jeunesse qu’elle connaissait du bout des doigts, ni encore moins dans l’espace presque vide de la terrasse.
Sur la murette, quand on entendit le bruit des moteurs qui approchaient, il ne restait que deux gamines assises vers la mer, le dos découvert, à droite du petit escalier. Une autre se tenait debout sur la gauche, tournée vers l’est, vêtue d’une robe légère de coton vert imprimé de fleurs bleues minuscules que ceignait un fin ruban de cuir à boucle d’argent. Elle paraissait fixer l’horizon à la fois terrestre et maritime, et sa main droite, au bout de son bras tendu le long de la jambe, touchait de deux doigts le haut de la murette, ce qui lui donnait l’apparence d’une nagra étrusque.
Puis il y eut quatre voitures rutilantes aux portières restées ouvertes, qui s’étaient arrêtées dans un nuage de poussière avant que n’en sortent, quand le calme fut revenu dans l’air, une ribambelle de filles et de garçons qui stationnèrent d’abord au bas du mur et au pied de l’escalier sur le sable de la route. Tout ce monde montrait une excitation sans limites qui accaparait l’attention : on en aurait presque oublié la houle dangereuse, le sable de la plage noirci d’obscurité, les pêcheurs solitaires et la musique du juke-box qui s’était arrêtée.
Dans le silence soudain, les filles d’en bas rejoignirent les tables et s’installèrent. Les garçons, l’un après l’autre ou deux par deux montèrent les marches et embrassèrent à droite et à gauche. Puis ils allaient jusqu’au bar, s’asseyaient par petits groupes loin du noyau effervescent où Pia avait repris son activité sans exagération. Ou bien ils marchaient de long en large puis revenaient vers les tables : ils s’y arrêtaient pour dire des choses importantes et jeter des coups d’œil par-ci par-là. Puis ils s’installaient et commandaient des bières. Le bruit, qui devenait de plus en plus prégnant, n’empêcha pas qu’on entende – et qu’en tout cas la lolita et la fille à la robe verte à fleurs et aux longs cheveux noirs entendent elles aussi –, le ronflement du moteur d’un scooter qui arrivait. Pia se leva brusquement des bras d’un garçon encore tout étourdi et courut vers le juke-box pour mettre un disque : On the docks of the bay. On était presque heureux d’entendre autre chose que le dolce, mâle et suave, qui avait l’habitude de monter sous les tôles et de retomber en pluie écœurante sur le plancher. La fille aux deux doigts qui touchaient le mur et qui ne bougèrent pas, laissa passer un petit frémissement sur ses épaules. Mais elle ne se retourna pas. Les deux gamines au dos nu, à droite sur la murette, continuaient de regarder la mer, attentives aux mystères de la nuit. Le bruit devint plus compact, comme assourdi et plus puissant, et c’est à peine si, par bribes, on pouvait déceler le ressac.
La fille restait seule, debout contre la murette qui lui arrivait au genou et qu’elle ne touchait plus vraiment. Elle regardait encore vers l’est, là où se déroulait la plage. Giusi avait seize ans et observait, là-bas, quelques lumières qui laissaient croire à une vie possible. Mais elle n’attendait rien de cela. Ici, à San Giorgio, il n’y avait rien à attendre. Le village était tout petit : pas même une épicerie, seulement une minuscule infirmerie de secours pour les estivants, muni de quelques gouttes d’alcool, d’un paquet de coton et d’une pommade pour les coups de soleil. La toute petite église peinte en jaune, au centre du village, était éloignée d’à peine deux cents mètres de la mer. Cependant, des paysans avaient construit quelques baraques à proximité du rivage, aux sols en carreaux de béton émaillé, qu’ils louaient à la semaine. Mais elles étaient toutes encore vides.
Les samedis soir, de juin jusqu’à septembre, une foule de gens venaient aux Trois Sirènes pour manger la pizza et danser sur des airs mélangés de tangos, de rocks ou de chansons à la mode, joués et chantés par des petits groupes qui se donnaient de la peine et réussissaient à maintenir l’ambiance arrosée des vins blancs de Sicile.
Ce soir-là, qui n’était pas un samedi, il y avait eu un peu de monde : on n’était pourtant que début juillet. Dès dix heures, les gens étaient rentrés chez eux : ici, en semaine, il n’y avait pas d’autre musique que celle du juke-box. C’est pourquoi, ces soirs de solitude sur la terrasse des Trois Sirènes, les garçons et les filles venaient remplir un peu du vide des lieux et de leur temps. Ils espéraient sans doute quelque chose qui n’arriverait pas.
Giusi devait revenir pour minuit à la maison. C’est ce qu’avait dit sa mère. Cela ne serait pas possible : elle en avait décidé ainsi dès le début, avant qu’Aurelio n’arrive. Maintenant, il était là. D’abord, elle avait entendu le scooter. Comme Pia l’avait perçu. Puis elle avait senti Aurelio monter les marches dans son dos, et reconnu sa voix. Il habitait Ribera, comme Luchino et Angelo qui étaient venus en voiture et avaient amené des filles. D’autres – Giusi les connaissait tous et avait aussi reconnu leurs voix – venaient de Santa Anna, toute proche, ou descendaient de Caltabellotta. Ici, tout le monde se connaissait. Tous, hormis Aurelio, fréquentaient le lycée de Sciacca.
Giusi devinait Aurelio, avec ses cheveux noirs et son nez et sa bouche comme ceux de Cassavetes dont une photo était punaisée au mur de sa chambre. Aurelio avait ce regard-là, mais pas la taille. Il ne mesurait pas plus d’un mètre soixante-dix et cela aussi le différenciait des autres. Mais pas cela seulement : pas seulement la taille et pas seulement le regard. Par exemple, il ne s’habillait pas comme les autres. Pas du tout par manque d’argent, ses copains le savaient bien : il était mécanicien à Sciacca et il pouvait bien se payer les vêtements qu’il voulait. Mais parce qu’il avait un style bien à lui, indéfinissable. Il ne portait que des blue-jeans un peu trop grands, qui faisait penser à ceux de Marilyn – dont Giusi avait aussi une photo dans sa chambre – qui ont l’air de coller aux fesses mais qui sont suffisamment amples pour ne pas gêner quand on marche ou qu’on roule à scooter, et qui tombent sur les chaussures. Pour Marilyn, bien sûr, ce n’était pas le cas. Mais pour Aurelio, la toile s’accordéonisait sur ses chaussures de cuir brun patiné qu’aucun autre garçon ici n’aurait osé porter.
Giusi sentait Aurelio derrière elle. Elle entendait qu’il allait d’un garçon à l’autre et qu’il disait des choses en hachant les mots, ce qui est difficile dans la langue de Dante, des choses que tout le monde pouvait entendre mais que Giusi n’entendait pas : elle savait que cela n’avait aucune importance. Parfois Aurelio embrassait l’une ou l’autre fille sur la joue. Parfois même très vite : alors Giusi s’inquiétait. Cependant elle ne se retourna pas.
On sentait la chaleur couchée sur les tôles du toit. Elle enveloppait la terrasse. On devinait les lignes de pêche tendues depuis les deux points isolés de la plage jusque dans la mer et, à présent, le ressac venait aux oreilles, plus dangereux que le blues du juke-box.
Aurelio ne buvait pas, ne s’asseyait pas. Il s’énervait de plus en plus. Giusi le sentait aller et venir par saccades, dire maintenant les mots en pointillés et ne plus rien embrasser du tout, et elle savait pourquoi : Pia devait donner de toute sa personne. Giusi se fixa sur elle sans rien voir de tout ce que tout le monde voyait sans trop le regarder. On se disait, alors que dans le dos un petit souffle pouvait lécher l’échine et donner un bref sentiment de bien-être, que cela sentait le roussi. Pia se vautrait maintenant sur les garçons qui n’osaient plus bouger. Elle les embrassait comme le faisait Gina au cinéma, goulûment, sans retenue, prenant d’une main la nuque par derrière et de l’autre caressant la poitrine ou le bas du dos. Aurelio ne pouvait plus supporter ce jeu provocant. Il fila vers le bar où les serveuses préparaient des glaces.
Giusi refusait de penser à cette fille, mais elle était bien obligée de le faire. Pia était connue de toute la planète. Du moins de la planète dont on se faisait l’idée ici, puisqu’il était impossible d’imaginer que le monde allait plus loin que le sommet des collines de Caltabellotta ou le bord des plages depuis Sciacca jusqu’à Porto Empedocle. Sauf exception – prendre le car pour Palerme ou Trapani ou Syracuse, ce qui était rare – le paysage possible de la vie s’arrêtait aux frontières visibles. Dans ce monde d’une jeunesse accablée de silence familial, de soleil, de solitudes groupées, d’obscurantisme et d’ennui, Pia avait une fonction catalysante : elle attirait et elle repoussait à la fois, sans jamais laisser indifférent. On ne l’aimait pas, on la désirait ; on ne la haïssait pas, on la méprisait. Giusi n’était pas folle : cet imbécile d’Aurelio ne pourrait plus tenir longtemps encore, abusé par le corps offert de Pia, envoûté par son esprit diabolique. Le silence était soudain pesant et il semblait à Giusi qu’une multitude de moustiques faisaient bruire leurs ailes dans la chaleur humide.
Tout d’un coup, un fracas la fit se retourner : deux chaises de plastique venaient de voler jusqu’à ses pieds. Deux garçons étaient tombés et se relevaient, tandis qu’Aurelio saisissait le poignet de Pia et la traînait jusqu’aux marches pour disparaître sur le chemin. Les filles osaient à peine lancer des coups d’œil dans la direction de la mer. Celles qui étaient assises sur la murette en descendirent et s’approchèrent des tables. Les conversations reprirent doucement. Le juke-box avait été remis en marche, et on entendit encore suinter, entre les éclats de voix feutrés, le timbre suave d’un éphèbe milanais. On commanda d’autres boissons, des gelati et des bières. Tout redevint léger. Le trouble ne demeurait que dans les entrailles et sous le plancher.
Depuis qu’elle s’était retournée, Giusi n’avait pas bougé. Elle touchait maintenant la murette de deux doigts de sa main gauche. Elle voyait, bien plus loin que les deux ombres qui pêchaient dans la nuit, courant vers les rochers qui tombent dans la mer à l’ouest, Pia qui se débattait et Aurelio qui n’en finissait pas de la lâcher. Comme un pêcheur montait haut sa canne courbée vers la nuit, moulinant et tirant à la fois derrière lui, Giusi eut une seconde d’inattention. Puis elle vit Aurelio effondré sur le sable, et Pia courir et disparaître dans la dune.
Elle avait très envie de rejoindre Aurelio, mais elle ne le pouvait pas : devant elle – ou presque –, il avait convoité Pia qui l’avait nargué sans honte ni retenue. Il désirait une fille de rien qui lui pourrissait la vie depuis deux semaines, qui fichait en l’air leur histoire d’amour à eux, longue de deux mois entiers : Giusi et Aurelio s’étaient retrouvés chaque fois qu’ils l’avaient pu, s’étaient tenus par la taille ou par le cou, assis sur la plage, autant de fois que cela avait été possible, et s’étaient embrassés aussi souvent que nécessaire. Aurelio avait juré qu’il l’emmènerait sur son scooter loin d’ici, jusqu’à Rome si elle le voulait ; qu’ils quitteraient cet endroit sans avenir pour ne plus y revenir. Un soir qu’ils venaient de manger une pizza dans la baraque de Tonio, ils marchaient sur la plage comme des amoureux : le soleil se couchait derrière eux. Pia était arrivée en face, éclairée de rouge. Elle s’était approchée d’eux sans un regard pour Giusi. Tranquillement, remuant les hanches à chaque pas glissé, elle s’était mordu la lèvre inférieure dans un sourire fatal, ne lâchant pas Aurelio des yeux, se retournant quand elle les avait doublés pour jouir de le voir fixer, la tête en arrière, son regard caressant.
Pourtant, Aurelio connaissait Pia, comme tout le monde. Mais c’était la première fois qu’elle l’aguichait et, comme tous les autres, il avait failli. Quand ils étaient arrivés aux Trois Sirènes, il semblait qu’on pouvait presque oublier Pia. C’est ce moment qu’elle avait choisi pour apparaître encore : elle avait agi comme ce soir, exactement, et Aurelio avait abandonné la main de Giusi. C’était le commencement du malheur.
Aurelio avait cessé de la chercher en scooter à l’école. Du coup, ils ne s’étaient plus revus jusqu’à ce soir, où Aurelio ne l’avait pas abordée.
D’abord, elle n’avait pas voulu lui montrer qu’elle voulait le retenir. Mais ce soir, elle avait décidé d’agir : Aurelio était capable de se faire avoir. Pire encore : Pia pouvait cette fois tomber amoureuse, simplement parce qu’Aurelio était différent des autres. Giusi ne pouvait prendre ce risque.
Aurelio revint vers les Trois Sirènes. Giusi se tourna vers le juke-box : il n’avait qu’à faire le premier pas. Elle attendit, tendue. Mais ce qu’elle espérait n’arriva pas : le scooter démarra et le bruit du moteur qu’elle reconnaissait entre mille disparut au bout du chemin. Giusi recentra la fine ceinture de cuir sur sa robe, elle quitta le parquet et descendit sur la route de sable : elle ne voulait pas qu’on puisse la voir pleurer. Elle traversa la dune pour rentrer chez ses parents. Finalement, elle y serait à l’heure.
Les pêcheurs fatigués avaient tiré leurs lignes : ils avaient pris quelques poissons, mais aucun ne semblait être un monstre marin. Aux Trois Sirènes, la musique s’était arrêtée depuis une heure. L’obscurité avait envahi le parquet. Les voitures étaient reparties. Chacun et chacune avaient regagné sa couche.
Il était deux heures. La lune était montée au ciel, blanche et claire. On pouvait voir la plage parfaitement, jusqu’aux rochers à l’ouest, et jusqu’au cap à l’est. Les vagues étaient devenues plus fortes.
Les carabiniers patrouillaient et entendaient le ressac quand ils trouvèrent, à la lumière de leurs phares, en travers de la route derrière la dune, le corps de Pia les jambes écartées, la langue entre les lèvres et le cou marqué de bleu, comme un collier où perlaient de minuscules gouttes de sang.
Dès le matin devant le lycée de Sciacca, on convoqua tout le monde au commissariat. On entendit qu’Aurelio avait traîné Pia de force sur la plage. Mais Giusi témoigna sous serment l’avoir vu lâcher Pia et la laisser filer sans demander son reste. Pia était connue pour sa légèreté et Aurelio pour son sérieux : on laissa les élèves retourner au lycée et Aurelio à son garage. On chercherait dans d’autres directions.
Le samedi, à midi, Giusi sortait du lycée. Sur le scooter d’Aurelio, un sac était accroché au porte-bagages. Le garçon était assis sur la margelle du puits entre les auges à fleurs qui fermaient la minuscule place devant l’école. Le soleil était très haut, la chaleur excessive. Aurelio était en jeans, comme d’habitude. Il s’approcha d’elle, le regard de biais :
— On s’en va ?
— Oui, on s’en va, dit-elle en regardant sa bouche.
Ils prirent la route, passèrent devant San Giorgio sans le voir. Giusi serrait sa robe à fleurs : le vent pénétrait dessous, jusqu’à la poitrine. Elle pensa qu’il lui faudrait acheter une nouvelle ceinture.