International

Les bases historiques de la question du Haut-Karabagh

Philosophe, Mathématicien et historien

Le 25 novembre dernier, le Sénat français a voté une résolution portant sur la « nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh », région peuplée d’Arméniens qui vient de plier sous l’agression de l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie. Alors que certains veulent réduire le conflit à un clivage religieux entre musulmans et chrétiens, une analyse historique est essentielle pour comprendre la complexité de ses enjeux, ainsi que le drame dont sont aujourd’hui victimes les Arméniens du Haut-Karabagh.

Le 25 novembre dernier, le Sénat français a voté une résolution, proposée par cinq groupes, portant sur la « nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh », cette région peuplée d’Arméniens, qui avait déclaré son indépendance en 1994 et qui vient de plier sous l’agression de l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie, et conclue le 9 novembre par un cessez-le-feu garanti par la Russie.

publicité

On peut toutefois se demander ce qui motive la France à prendre position sur un de ces conflits qu’on dit parfois « interethniques », d’autant que la région en question appartient officiellement à l’Azerbaïdjan. Cette question serait bien compréhensible parce que les événements récents du Haut-Karabagh ont souvent donné lieu à des interprétations soi-disant « équilibrées », un peu comme un jeu de ping-pong, selon le schéma suivant : les Arméniens avaient en 1994 vaincu les Azéris et les avaient expulsés des territoires conquis ; en 2020 eut lieu le classique « retour de balancier ».

L’épithète « séparatistes » régulièrement accolée ces derniers temps aux Arméniens du Haut-Karabagh sous-entend d’ailleurs qu’une population voudrait là-bas rompre un lien légal qui la lie à une population-mère plus grande. Elle rappelle le cas d’indépendantistes corses ou bretons, qui voudraient faire de leur région une nation, alors que le problème est tout différent : il résulte de vieux arbitrages territoriaux – irrationnels au regard des peuples concernés (puisqu’introduisant des frontières au sein d’une population culturellement homogène), mais à l’époque géopolitiquement motivés – et d’une histoire marquée par le génocide encore non internationalement reconnu des Arméniens par les Turcs en 1915.

La soi-disant symétrie entre séparatistes d’hier et agresseurs d’aujourd’hui s’avèrera alors inacceptable à la lumière des faits récents et passés. De fait, davantage que dans bien d’autres cas similaires, la crise actuelle est incompréhensible si l’on ne considère pas une histoire longue e


[1] Hans Schiltbergers Reisebuch, Tübingen, 1885, p. 99.

[2] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, Sévig Press, 1991, p. 57.

[3] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 34-35.

[4] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 38.

[5] Voir Raymond Kévorkian, Le génocide des Arméniens, Odile Jacob, 2006.

[6] Rouben Galichian, Clash of Histories in the South Caucasus, Benett & Bloom, 2012, p. 25-26.

[7] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh. Faits et documents sur la question du Haut-Karabagh: 1918-1988, Sévig Press, 1988, p. 5.

[8] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, Annexe 1, p. 120.

[9] Kavkazskoïe Slovo [La parole du Caucase], Tiflis, 1er juillet 1919 ; Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p 71.

[10] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 156.

[11] Le dernier royaume en Arménie disparut en 1045, il fut suivi d’un royaume d’Arménie en Cilicie (1198-1375).

[12] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 85.

[13] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, Annexes 5a et 5b, p. 123-124 ; Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 34.

[14] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 34 ; Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 88.

[15] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 101.

[16] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 93.

[17] Encyclopédie de l’Islam, tome IV, Éditions Brill, 1978, p. 595.

[18] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 37-41.

[19] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 82 ; Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, Annexe 6a, p. 124.

[20] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 85.

[21] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 102, 111.

[22] Encyclopédie de l’Islam, tome I, Éditions Brill, 1960, p. 19

Philippe Huneman

Philosophe, Directeur de recherche à l’IHPST (CNRS/Paris-I)

Claude Mutafian

Mathématicien et historien, Maître de conférences en mathématiques à l'Université Paris-XIII et docteur en histoire

Notes

[1] Hans Schiltbergers Reisebuch, Tübingen, 1885, p. 99.

[2] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, Sévig Press, 1991, p. 57.

[3] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 34-35.

[4] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 38.

[5] Voir Raymond Kévorkian, Le génocide des Arméniens, Odile Jacob, 2006.

[6] Rouben Galichian, Clash of Histories in the South Caucasus, Benett & Bloom, 2012, p. 25-26.

[7] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh. Faits et documents sur la question du Haut-Karabagh: 1918-1988, Sévig Press, 1988, p. 5.

[8] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, Annexe 1, p. 120.

[9] Kavkazskoïe Slovo [La parole du Caucase], Tiflis, 1er juillet 1919 ; Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p 71.

[10] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 156.

[11] Le dernier royaume en Arménie disparut en 1045, il fut suivi d’un royaume d’Arménie en Cilicie (1198-1375).

[12] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 85.

[13] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, Annexes 5a et 5b, p. 123-124 ; Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 34.

[14] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 34 ; Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 88.

[15] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 101.

[16] Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, p. 93.

[17] Encyclopédie de l’Islam, tome IV, Éditions Brill, 1978, p. 595.

[18] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 37-41.

[19] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 82 ; Patrick Donabédian et Claude Mutafian, Artsakh, Histoire du Karabagh, Annexe 6a, p. 124.

[20] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 85.

[21] Gérard J. Libaridian, Le dossier Karabagh, p. 102, 111.

[22] Encyclopédie de l’Islam, tome I, Éditions Brill, 1960, p. 19