Littérature

Au début comme à la fin il y a le milieu – sur Napoléon de Philippe Forest

Écrivain

À l’aube du bicentenaire de la mort de Napoléon, l’écrivain Philippe Forest consacre son nouveau livre au soldat devenu empereur. Preuve, s’il en fallait, qu’Histoire et roman voisinent, voire convergent, tous deux se définissant par une mise en intrigue, par le choix d’un certain itinéraire dans une histoire particulière. Mais c’est un itinéraire pour le moins sinueux qu’emprunte Philippe Forest, lui qui multiplie les allers-retours entre les fins et les commencements, posant la question suivante : quand la fin commence-t-elle ?

Nous avions quitté Philippe Forest, hier, sur les fantômes qui nagent dans le dernier tableau de Churchill, sur la joie qui pouvait l’affecter les dernières années de sa vie, sur la « Décrépitude » qui nous menace, sur la fascination des hypothèses qui ont le pouvoir de fon­der le roman « car ce sont toujours les histoires d’aujourd’hui qui rappellent à la vie celles qui eurent lieu hier ». Je reste roi de mes chagrins faisait de Forest un romancier anglais. Nous le re­trouvons aujourd’hui avec un Na­poléon, sous-titré « La fin et le commencement », dans la collection « Des hommes qui ont fait la France », qui a déjà donné, notamment, un Jules Ferry par Mona Ozouf et un Richelieu par Chris­tian Jouhaud. Ceci dit, la vignette de la couverture le montre, de dos, plutôt vers la fin.

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Un essai ? je pense que le mot, qui a ses lettres de noblesse, se défend. Mais cet essai est écrit sous le sceau de la littérature, c’est même pour une part le fond de l’affaire. Il est bon qu’elle montre l’éten­due de ses pouvoirs. Les grands maîtres ne manquent pas, Balzac et Hugo en l’occurence au pre­mier rang, Stendhal avec eux, au moins autant pour La Chartreuse de Parme, sa légèreté géniale (« [Fabrice] n’y com­prenait rien du tout »), que pour ses deux espèces de biographies de l’empereur. Cepen­dant, s’il s’agit de comprendre le sentiment de Stendhal à l’égard de Napoléon, il faut penser ce qu’a été sa vie, très concrètement, entre l’été 1812 et l’été 1814, les fatigues, les chagrins, les dé­ceptions.

À l’aube du bicentenaire, je suis re­connaissant à Forest d’ouvrir le feu d’artifice et de l’ou­vrir sur le versant littéraire. Parmi les contem­porains qu’il sa­lue au passage, nul doute que Jean-Paul Kauffmann en ait proposé l’approche la plus fine et la plus attachante, dès La Chambre noire de Longwood. Le voyage à Sainte-Hélène et davan­tage encore avec Outre-terre qui tourne autour de la bataille d’Ey­lau (au mi­lieu pile entre le coup d’État et Waterloo), conçue comme


Bernard Chambaz

Écrivain, Poète

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