Littérature

Du plaisir (ambigu) des anthologies et autres œuvres (presque) complètes – sur Peter Handke et la poésie latine

Écrivain

Qu’ont de commun Peter Handke, prix Nobel de littérature controversé en 2019, et un poète oublié du Moyen Âge écrivant des vers en latin ? Peu de choses, a priori, si ce n’est qu’on retrouve leurs textes dans deux imposants et très beaux volumes de traductions publiées concomitamment : Les Cabanes du narrateur de Peter Handke et l’Anthologie bilingue de la poésie latine sous la direction de Philippe Heuzé. C’est l’occasion de s’interroger d’abord sur ce que peut signifier le geste de choisir des œuvres en les réunissant en un même volume, et de re-parcourir à partir de là, un peu comme en rêve, les territoires illimités d’une certaine littérature… de voyage (autour de notre chambre).

Quel rapport peut-il y avoir entre Peter Handke et la poésie latine ? Leur lien n’est pas évident, a priori, et l’idée de les associer tient d’abord, disons-le, à une simple conjoncture éditoriale : la publication à quelques jours d’intervalle d’une magnifique Anthologie bilingue de la poésie latine dans la « Bibliothèque de la Pléiade » (laquelle parcourt plus de vingt siècles, des fragments de Livius Andronicus à Pascal Quignard…) et du recueil dans la collection « Quarto » d’un choix d’œuvres de Peter Handke, sous le titre Les Cabanes du narrateur, publié en même temps qu’un nouveau récit, La Voleuse de fruits ou Aller simple à l’intérieur du pays, auquel s’ajoute encore la Conférence du Nobel donnée en 2019.

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Ce qu’interroge le hasard de cette concomitance, c’est d’abord le critère du choix présidant à toute sélection d’œuvres qui ne soient pas « complètes », comme celui du statut de la collection qui les accueille…

Pour l’anthologie de la poésie latine, il y a quelque évidence au choix chronologique, si l’on peut dire, dans une collection où l’on trouve déjà de tels recueils pour les langues anglaise, allemande, chinoise, espagnole ou italienne, l’idée étant de proposer une sorte de panorama historique (dont l’inévitable arbitraire est tempéré par le recours à une équipe éditoriale de spécialistes, souvent universitaires) : le lecteur, s’il a les moyens d’en faire l’acquisition, peut ainsi trouver en un seul volume une somme choisie de textes dont la réunion permettra la comparaison et une forme de rêverie traversière. Ceux rassemblés par Philippe Heuzé pour la Pléiade constituent en tout cas une belle invitation au voyage, non pas seulement dans le passé d’une histoire littéraire et culturelle courant pour l’essentiel de l’Antiquité au XVIe siècle, mais à travers les pérégrinations d’une langue, morte et renaissante, dont la traduction constitue en soi une aventure.

Il y a comme une précipitation de la mémoire dans l’appréhension d’un volume qui réac


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

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