Le New Yorker et moi
Le New Yorker, le célèbre magazine, est né en 1925, trois ans avant moi. À ma naissance en 1928, mon père était déjà abonné et, je suppose, l’était depuis le premier numéro. Quoi qu’il en soit, l’hebdomadaire a toujours été là pendant mon enfance et je suppose (bien que je ne m’en souvienne pas) que c’est l’une des premières choses que j’ai utilisées pour apprendre à lire.
Un mot à propos de mon père. Il est né dans le ghetto juif de Maxwell Street à Chicago au tout début des années 1900, ses parents ayant émigré de ce qui était alors la Russie mais qui devint par la suite le pays distinct qu’est la Lituanie. Le quartier était alors majoritairement de langue yiddish et mon père n’a appris l’anglais qu’à l’âge de six ans, lorsqu’il a été scolarisé. Mais il est clair qu’il a vite appris à lire et à parler sans la moindre trace d’accent (autre que celui de Chicago, que tout le monde avait). Il a développé (je suppose à l’adolescence) des goûts littéraires : par exemple, les romans de James Branch Cabell, un auteur autrefois renommé mais aujourd’hui largement oublié de récits de fantasy vaguement romantiques, et ceux de Joseph Hergesheimer, aujourd’hui également tombé dans l’oubli, à l’époque un concurrent de F. Scott Fitzgerald. Il lisait aussi les romanciers yiddishs qui, à la même époque, étaient très appréciés, comme Sholem Asch (il les lisait, et m’a encouragé à les lire, en anglais).
Il m’a toujours présenté la lecture de romans comme valant la peine et, lorsque le Chicago Tribune a offert à ses lecteurs des collections de vingt volumes de Mark Twain et de Charles Dickens à bas prix, il les a achetées et je les ai lues. Je n’aimais pas beaucoup Dickens à l’époque, mais Twain me fascinait et j’ai lu les vingt volumes, pas seulement les récits bien connus avec Tom Sawyer et Huckleberry Finn, mais aussi des ouvrages obscurs comme L’Homme qui corrompit Hadleysburg et les récits de voyage, comme À la dure et Europe and Elsewhere, et l’analyse quasi sociologi