L’imagination, notre Commune (1/2)
C’est une vieille histoire, mais ô combien d’actualité. Depuis des siècles les misérables, les paysans pauvres de Rhénanie, parcouraient en hiver les forêts domaniales en y ramassant quelque bois mort pour se chauffer un peu. La forêt avait son propriétaire, bien sûr : chaque arbre et chaque branche de l’arbre constituaient donc une propriété privée dont le vol – couper une branche ou arracher un fruit – était passible de lourdes condamnations. Mais le bois mort, le bois tombé tout seul, on pouvait le ramasser pour en faire son libre usage.
Lorsque, en 1842, ce droit coutumier fut en passe d’être abrogé par une loi qui renforçait de façon inique le droit des propriétaires, Karl Marx – alors âgé de vingt-quatre ans – prit la plume dans la Rheinische Zeitung et protesta hautement : « Ramassage des ramilles et vol de bois concomitant ! Une seule disposition vaut pour l’un et l’autre. [Certes,] qui dérobe du bois coupé dérobe de la propriété. Par contre, s’il s’agit de ramilles, rien n’est distrait de la propriété. […] Lorsque la loi cependant dénomme vol de bois une action qui est à peine un délit forestier, la loi ment et le pauvre se trouve sacrifié à un mensonge légal. »
Peut-on s’approprier toute chose, rendre toute chose privatisable ? Sûrement pas. Il y a des « biens communs » dont la longue histoire du droit porte témoignage, ainsi que l’a montré, notamment, Marie-Alice Chardeaux dans son ouvrage très précis sur Les Choses communes. Mais, contre ce principe juridique multiséculaire, s’est inscrite en faux toute l’évolution du capitalisme moderne dont Karl Polanyi a démonté, après Marx, le ressort général dans son livre – devenu classique – La Grande Transformation où sont analysés, en particulier, les développements du système d’« enclosures » dans l’Angleterre du XVIIe siècle.
Le combat mené par Karl Marx en 1842, qui lui aura valu suffisamment d’ennuis pour être contraint à l’exil, fut donc, avant même que d’avoir à se déclarer « communiste » au sen