Endless, nameless – un regard contemporain sur l’art brut
Se plonger dans l’art brut s’apparente à la découverte d’une ville labyrinthique et mystérieuse. On sait qu’on va découvrir des merveilles à chaque coin de rue sans pouvoir la connaître en entier. Je retourne souvent vers ce continent de la création en connaisseur relatif, sans en être spécialiste. Les multiples pistes qui s’ouvrent à nous dévoilent les méandres de cette création « en méconnaissance de l’art », comme la définit Jean Dubuffet, et qui pose d’abord une question d’appellation. En effet, si le terme « art brut » apparaît sous la plume de l’artiste en 1945, celui-ci est par la suite discuté, élargi, reconstruit, dissout, recollé et il est aujourd’hui encore le lieu d’un débat qui l’oppose à l’« art des fous », l’art outsider ou encore à l’art naïf, pour ne citer qu’eux. C’est dans cette fascinante indéfinition que s’exerce la force de ces pratiques artistiques, comme dans la multiplicité des médiums, des styles et des approches.
Graphomanes extravagants
La publication en novembre 2020 de l’ouvrage Écrits d’art brut par Lucienne Peiry nous permet d’entrevoir une nouvelle facette de quelques artistes bruts, et ce à travers une pratique épistolaire dont les courriers resteront, la plupart du temps, sans destinataires.
L’imposant ouvrage fait se rencontrer, entre autres, le sculpteur August Walla, Justine Python et l’incroyable Adolf Wölfli, probablement l’un des artistes les plus surprenants du siècle précédent. Confessions, lettres d’amour, prières en prose, délires en grimoires et parfois journaux intimes : les écrits d’art brut sont le tracé même des huis clos qui se fondent dans le secret et le silence de leurs auteurs. Les manuscrits reproduits dans l’ouvrage sont calligraphiés parfois avec délicatesse ou avec acharnement. Ils sont aussi brodés, accompagnés de peintures et de dessins, enluminés. La poésie sans borne, notamment sensible dans les pages de Charles Steffen, suscite de la fascination pour ces artistes sans étiquettes et qui n’ont