Christian Boltanski : « Il n’y a pas d’après-guerre »
C’est avec le monde qu’on entre dans un musée ou une galerie, le monde comme il va, ou pas. Et c’est une salle de réanimation qui s’offre d’emblée lorsqu’on pénètre, saisi, la nouvelle exposition de Christian Boltanski, « Après ». Comme une version froide, clinique, blanchie, et en trois dimensions, des images thermiques qu’Antoine d’Agata a produites ces derniers mois dans ces services hospitaliers. Là encore les contours s’évadent, des semblants de lits médicalisés recouverts de montagnes de « Linges » (c’est le titre de la pièce) sont agencés, bousculés dans un couloir, en attente déambulatoire et sous perfusion d’une lumière neutre, LED. Le contexte tire toujours tout à soi, comme un drap. Des visages pourtant apparaissent, furtifs, sur les quatre murs blancs, les visages familiers de ces fantômes inconnus qui peuplent depuis toujours, ou presque, l’œuvre du peintre. Comme un rappel : le monde d’avant n’est jamais vraiment recouvert, les chaines d’information continue n’ont pas le monopole du flux des images. La légende veut que ces images visages persistent davantage à mesure que la nuit tombe.
En bas, l’autre grande salle de la galerie Marian Goodman est plongée dans le noir et découpée en quatre par deux plans d’écrans disposés en croix, soit huit surfaces de projection. Bienvenue dans l’univers merveilleux de Getty Images : couchers de soleil ad lib., beaches galore et faons qui paissent oklm au milieu d’une clairière… Pour qui sait attendre, pourtant, deux cent images en noir blanc, certaines subliminales, viennent troubler cette belle harmonie endormie, images des massacres du XXe siècle, massacres contemporains. L’habituelle pellicule couleur qui emballe le monde, cling film radical visant à l’éradication de toute date de péremption, s’en trouve lacérée à intervalles irréguliers. Comme pour préparer à l’Après qui s’inscrit en lettres néon bleues à l’entrée de la dernière salle, une crypte. Christian Boltanski nous y attend. SB
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