Littérature

Nous, César – sur César et toi de Marianne Alphant

Écrivain

Dans César et toi, Marianne Alphant réinvente d’une certaine façon le livre d’histoire… et de géographie : la voilà qui part sur les traces de Jules César, dont elle essaie de comprendre les campagnes militaires, relisant pour cela ses Commentaires sur la Guerre des Gaules. Mais, ce faisant, elle s’interroge surtout sur notre rapport aux origines (gauloises, romaines, latines…) et donc aux lieux qui les fondent, aux noms qui en disent encore la présence, aux histoires qu’elles ont produites. C’est un voyage vers le passé, mais formidablement contemporain, dans une prose pleine de malice : un grand livre qui va vite.

Qu’avons-nous à faire de Jules César aujourd’hui ? Le titre du nouveau livre de Marianne Alphant, César et toi, pose à sa manière cette question. Et la réponse en est assez extraordinaire : voilà en effet, l’air de rien, un grand livre sur la mémoire, l’histoire, l’enfance, osons dire aussi la France et une certaine idée de l’espace où nous sommes, que nous rêvons, où nous vivons. Cet espace est constitué de noms, de souvenirs, c’est à la fois un livre et un lieu, il est comme la peau et la page à travers laquelle nous devinons en transparence quelque chose de la profondeur d’une identité, la possibilité d’une âme.

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Mais ne nous emballons pas. Décrivons : César et toi se présente comme une suite de variations à partir de la Guerre des Gaules, telle que les Commentaires de César lui-même nous la donnent à connaître :  ouvrage étrange et fascinant, dont des extraits ont nourri bien des cours de latin d’autrefois, où le stratège raconte dans une sécheresse de polar manchettien, sans détour psychologique ni considérations morales, le déroulement de huit ans de combats des armées romaines, à partir de -58 avant JC, jusqu’à la bataille d’Alésia, dont on n’est toujours pas sûr de pouvoir déterminer le site exact.

Marianne Alphant engage à partir de ce constat une enquête qui n’a rien d’académique ou de poussiéreux, mais se révèle une formidable invitation au voyage, nourrie d’une sorte d’énergie toute contemporaine, jamais cuistre, toujours curieuse, qui de chapitre en chapitre relance aussi un drôle de jeu d’identification avec le lecteur. Le « toi » vaut ici pour un « je » : Marianne Alphant se parle à elle-même, comme elle dialogue avec l’histoire – celle de Jules César, donc, dont elle restitue la vie en détails, mais celle également de tous ceux qui depuis vingt siècles continuent d’être fascinés par cet homme de guerre, héros sans compassion de campagnes militaires dont on a découvert les lauriers dans notre enfance, par le bonheur des albums d’Astérix.

Cés


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

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