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La délicatesse et l’immonde – sur Ce monde est tellement beau de Sébastien Lapaque

Critique Littéraire

Le personnage principal du roman de Sébastien Lapaque est l’anti-héros houellebecquien typique, conservateur, désabusé, solitaire, mais en moins drôle. Car Lazare est un être doux, et la douceur s’accorde mal avec l’ironie. Abattu par la « dégueulasserie » du monde, c’est grâce à la religion qu’il sort de la mélancolie. Titre loin d’être ironique, Ce monde est tellement beau est une résurrection imbibée non de religiosité, mais de délicatesse : de l’amour malhabile, des amitiés masculines, des moineaux et des cantates de Bach.

« Ce monde est tellement beau, cependant », telle est la première phrase du roman de Sébastien Lapaque, qui s’intitule justement Ce monde est tellement beau. Pourquoi « cependant » ? Où figure le constat de la laideur du monde ? À la page précédente, dans le nom que Lapaque donne à la partie qui inaugure son roman : « L’Immonde ». Lazare, le héros, se fait « sociologue de l’Immonde ». L’immonde, c’est l’argent-roi, et l’absence de transcendance.

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Le roman raconte le désenchantement de Lazare, quadragénaire des années 2010, professeur d’histoire, et résidant du quatorzième arrondissement de Paris, vers Alésia. La tranquille déambulation dans la capitale est l’un des plaisirs qu’offre ce roman.

La compagne de Lazare, avec laquelle il n’a pas d’enfant, le quitte brutalement. Il ne s’en rend même pas compte et réalise seulement après-coup la signification de son absence prolongée, tant il est pris dans le brouillard de l’aboulie, prisonnier d’un découragement tous azimuts. Heureusement, il peut lire les éditoriaux de Bernard Maris dans Charlie Hebdo, puisque la tuerie du 7 janvier 2015 n’a pas encore eu lieu. Pour Lazare, « Le temps que nous vivions était un temps vide, un temps creux, le temps du néant, du diable et du démonique. Était-il déjà traversé, secoué même, par la possibilité d’une transcendance ? »

Dans ce tableau du matérialisme triomphant, ou dans les critiques que formule Lazare contre la procréation médicale assistée, le lecteur reconnaît un anti-héros houellebecquien, conservateur, désabusé, solitaire, travaillé par la métaphysique et dégoûté par le politiquement correct. Lazare est néanmoins un homme de gauche, soucieux de justice sociale. Simplement, il la distingue de « l’obsession de la différence de genre, de sexe ou de race. »

Sébastien Lapaque et Michel Houellebecq inscrivent leurs personnages dans une lignée d’anti-héros dont les aïeux se trouvent chez Gogol, Dostoïevski, Sartre ou Camus. Mais le Lazare de Lapaque n’est ni François, le p


Virginie Bloch-Lainé

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