Le Minotaure de Lisbonne – sur Le Brutaliste de Matthieu Garrigou-Lagrange
Au début de sa « fiction basée sur des faits réels », Matthieu Garrigou-Lagrange raconte un petit événement qui lui est arrivé, et qui nous est également arrivé : en approchant du centre de Lisbonne depuis l’aéroport, en taxi, le chauffeur nous a indiqué les trois tours Amoreiras et s’est étonné que nous ne les connaissions pas. Ces blocs trapus représentent deux chevaliers et une dame.

Les chevaliers « enserrent la dame pour l’empêcher de partir. On les voit se dessiner, ces trois inquiétants personnages, depuis la rive sud du Tage, mais aussi depuis les collines de Graça ou de Lapa, depuis le pont du 25 Avril, depuis le haut du ruban d’herbe du parc Eduardo VII », écrit Garrigou-Lagrange.
Le chauffeur de taxi n’a rien ajouté au sujet de leur architecte, Tomás Taveira. Matthieu Garrigou-Lagrange en fait le personnage principal de son livre. Il ne le nomme jamais par son nom mais le surnomme « le Brutaliste », en référence bien sûr au mouvement architectural auquel il appartenait ; en référence aussi à la vie sexuelle de Taveira, né en 1938 et toujours vivant. Ses ébats tiennent une part importante dans la pérennité de sa notoriété.
Dans les années 1980, des vidéos vinrent aux yeux et aux oreilles de tous les Portugais – car la bande son valait son pesant d’or. Taveira s’était filmé dans son superbe bureau, et dans le feu de l’action avec une femme, une femme différente par vidéo. Il s’y montrait dominateur, violent et vulgaire. Sur chaque vidéo, la femme semble consentante mais l’ambiguïté plane sur le degré de son consentement. Les images largement diffusées ont brisé net la carrière de l’architecte.
Passionné d’architecture, connaisseur de Lisbonne, une ville qu’il aime beaucoup, Matthieu Garrigou-Lagrange raconte dans Le Brutaliste l’ascension de ce fils d’ouvrier très talentueux et ambitieux, sans foi ni loi dans l’exercice de sa profession, qui, une fois les vidéos diffusées, amorce une chute sociale et personnelle vertigineuse.
Matthieu Garrigou-Lag