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Israël-Palestine : le pari des sciences sociales

Sociologue

La crise actuelle israélo-palestinienne exprime, d’un certain point de vue, le retour du refoulé social. La croyance de gouvernements israéliens, de plus en plus défensifs et sécuritaires, dans la mise à distance des individus les uns par rapport aux autres comme moyen d’établir la paix sociale a fait long feu. En cherchant à écarter toute conflictualité, la violence est revenue brutalement dans l’espace public.

Pourquoi et comment naît une crise internationale ? Dans un ouvrage intitulé Comment produire une crise mondiale avec douze petits dessins, l’anthropologue Jeanne Favret-Saada a minutieusement détaillé le traitement par l’opinion internationale de l’affaire des caricatures de Mahomet (2005), affaire qui s’est propagée sur les quatre continents et qui a débouché sur une crise entre les partisans de la censure dans les pays musulmans, et les défenseurs des libertés d’expression, pour s’achever dans le bain de violence que l’on connait.

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La crise actuelle israélo-palestinienne présente des caractéristiques proches, qui concernent les réactions internationales (où s’imbriquent les opinons publiques juives et arabes, militantes et partisanes), la continuité du rapport entre nationalismes et religions, et l’instrumentalisation d’un conflit. Mais la comparaison s’arrête là.

Rappelons les faits par lesquels la crise actuelle israélo-palestinienne arrive. Des affrontements se déroulent à la sortie de la vieille ville dans le quartier informel de Cheikh Jarrah où vivent des familles réfugiées palestiniennes, ainsi que des religieux nationalistes juifs, aidés par leur consortium de promotion militante (Nahalat Shimon). Celui-ci a racheté des terrains à des rabbins, propriétaires titrés depuis 1930, eux-mêmes attachés à la présence de la tombe du rabbin Shimon Ha’Tzadik, dans le quartier.

Les premiers : les promoteurs religieux ne font pas mystère de leurs intentions qui consistent à prendre possession de ces terres et marquer leur visibilité dans cette partie contestée de Jérusalem. Quant aux seconds (les occupants ayant perdu tous leurs recours devant le tribunal de district de Jérusalem), il s’agit de réfugiés Palestiniens, installés sur des terres attribuées à l’État jordanien qui gérait le secteur jusqu’en 1967, tombées dans la loi israélienne sur les « propriétés des absents », et qui sont de surcroit réservées pour une infrastructure routière, prévue dans le pla


[1] Voir Sylvaine Bulle, Sociologie de Jérusalem, La Découverte, 2020 (avec la participation de Yann Scoldio-Zurcher).

[2] Terme emprunté à Alexia Levy-Chekroun.

[3] Les citoyens Israéliens n’ont par exemple par le droit de se rendre en Cisjordanie.

[4] Comme les Organisations non gouvernementales Re’ut-Sadaka (« Amitié »), Ta’ayush (« Vivre ensemble »), Tarabut-Hithabrut (« Se rassembler »).

[5] Sylvaine Bulle, « Une prise territoriale. La réappropriation d’un village en Galilée », Politix 117 (30), 2017, pp. 145-169, Dossier Mouvements d’occupation.

[6] Comme nous l’affirmait un officier du Cogat (Comité de coordination des activités dans les Territoires): « Nos soldats sont derrière la vitre d’un guichet et fournissent un service aux Palestiniens, ces permis aident mieux la sécurité d’Israël que la lutte contre le terrorisme » (entretien en mai 2014)

[7] Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Calmann-Levy, 1973.

[8] Sylvaine Bulle, « Le démos introuvable ». Regards sur les élections israéliennes 2, Analyse, Opinion, Critique, septembre 2019 ; « La diagonale du peuple ». Regards sur les élections israéliennes 1, Analyse, Opinion, Critique, mai 2019.

[9] Dorothy Smith, L’ethnographie institutionnelle. Une sociologie pour les gens, Economica, 2018.

Sylvaine Bulle

Sociologue, Professeure à l'ENSA de Paris Diderot

Notes

[1] Voir Sylvaine Bulle, Sociologie de Jérusalem, La Découverte, 2020 (avec la participation de Yann Scoldio-Zurcher).

[2] Terme emprunté à Alexia Levy-Chekroun.

[3] Les citoyens Israéliens n’ont par exemple par le droit de se rendre en Cisjordanie.

[4] Comme les Organisations non gouvernementales Re’ut-Sadaka (« Amitié »), Ta’ayush (« Vivre ensemble »), Tarabut-Hithabrut (« Se rassembler »).

[5] Sylvaine Bulle, « Une prise territoriale. La réappropriation d’un village en Galilée », Politix 117 (30), 2017, pp. 145-169, Dossier Mouvements d’occupation.

[6] Comme nous l’affirmait un officier du Cogat (Comité de coordination des activités dans les Territoires): « Nos soldats sont derrière la vitre d’un guichet et fournissent un service aux Palestiniens, ces permis aident mieux la sécurité d’Israël que la lutte contre le terrorisme » (entretien en mai 2014)

[7] Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Calmann-Levy, 1973.

[8] Sylvaine Bulle, « Le démos introuvable ». Regards sur les élections israéliennes 2, Analyse, Opinion, Critique, septembre 2019 ; « La diagonale du peuple ». Regards sur les élections israéliennes 1, Analyse, Opinion, Critique, mai 2019.

[9] Dorothy Smith, L’ethnographie institutionnelle. Une sociologie pour les gens, Economica, 2018.