Fedora mon amour – sur Billy Wilder et moi de Jonathan Coe
On avait quitté Jonathan Coe au mieux de sa forme, avec un pamphlet rageur retraçant la si peu résistible montée vers le Brexit (Le cœur de l’Angleterre). On le retrouve, un an plus tard, aux prises avec une tout autre forme de reconstitution, toute en générosité et en empathie, en lien cette fois avec le cinéma. Avec pudeur mais passion, l’ancien critique de cinéma qu’il fut revient, tel un médecin des âmes, sur la blessure profonde occasionnée par l’échec commercial autant que critique de Fedora (1978), l’avant-dernier opus du grand Billy Wilder.
À l’heure où rouvrent enfin les cinémas (et autres lieux de culture), on ne laissera donc pas passer l’occasion de faire d’une pierre deux coups : se refaire une toile, tout en se laissant gagner par la mélancolie douce-amère d’un romancier cinéphile manifestement heureux de régler sa dette d’amour.

Au départ on croit à un (running) gag. L’héroïne de Billy Wilder et moi, Calista Frangopoulos – on la jurerait débarquée de l’univers de Tintin – ne connaît… strictement rien au cinéma, n’a jamais entendu parler de Billy Wilder, pas davantage de Nijinski (mais elle n’est pas la seule) et a grandi à Athènes. Et Coe de la cantonner dans un rôle subalterne, voire ancillaire, d’abord d’interprète, puis d’assistante personnelle du scénariste préféré de Wilder, son vieux complice I.A.L. Diamond (« Iz »), à la suite d’un improbable traitement de faveur dont elle bénéficie sur sa seule bonne mine. À la fin, la (trop) sage ingénue recueille les confidences du maître vieillissant, au lendemain d’une déconvenue sentimentale qui n’a rien de bien déchirant, et qu’on qualifiera même d’assez ordinaire.
Ajoutons que son dernier avatar est celui d’une ménagère ménopausée, dont le besoin d’enfant se trouve inopinément réveillé, alors que ses filles jumelles ont quitté le nid familial. De manière assez exemplaire, ou caricaturale, c’est selon, le personnage brille dans un registre limité, celui des « ficelles » (Henry James), des fai