Politique

Dix ans après, cinq leçons de l’interdiction française du gaz de schiste

Politiste, Politiste

En juillet 2011, contre toute attente, la France interdit l’usage de la fracturation hydraulique pour explorer et exploiter les pétroles et le gaz de schiste. Dix ans plus tard, les débats qui s’annoncent au Sénat sur la loi « Climat et résilience », notamment sur la question des énergies renouvelables et du nucléaire, font écho aux tensions qui ont habité l’espace public, mais aussi les coulisses des pouvoirs concernés. Autant de champs de bataille interdépendants qui rappellent à quel point il est important de préparer le terrain d’affrontement.

Il y a 10 ans précisément, la France devenait le premier pays à interdire la fracturation hydraulique et à empêcher toute exploration d’une nouvelle ressource énergétique, les gaz et pétrole de schiste.

Renforcée depuis 2017 par la loi Hulot qui prévoit la fin de l’exploitation de tous les hydrocarbures en 2040, la loi Jacob de 2011 est exceptionnelle à bien des égards. Alors qu’au cours des années suivantes la plupart des ministres de l’écologie auront démissionné ou été débarqués en dénonçant le poids trop puissant des lobbys, de Nicole Bricq (1 mois) à Nicolas Hulot (14 mois) en passant par Delphine Batho (12 mois) ou Philippe Martin (9 mois), le président de la République, le Premier ministre et les parlementaires ont quasi-unanimement soutenu la proposition de loi d’interdiction de la fracturation hydraulique.

publicité

Ils se sont opposés aux groupes pétroliers pourtant particulièrement puissants, à l’Union Européenne qui émettait un avis favorable, à leur administration, mais aussi à des perspectives économiques de croissance et d’indépendance particulièrement attractives au regard de ce qui se déroulait au même moment aux États-Unis. Exception ou cas d’école, que peut donc nous apprendre une telle victoire des opposants au gaz de schiste ?

Première leçon : les combats politiques pour imposer un problème ou une solution se mènent dans les arènes médiatiques autour de la définition des sujets. En à peine trois mois, le gaz de schiste est passé de sujet inconnu à problème public numéro 1 que le gouvernement devait impérativement résoudre, en passant par une courte phase de lutte opposant deux définitions du gaz de schiste.

Alors que l’on observe au début de l’année 2010 des articles publiés dans les sections « énergie » ou « économie » des journaux définissant le gaz de schiste comme une solution énergétique prometteuse capable de résoudre les problèmes de prix trop élevés des hydrocarbures et de dépendance aux pays producteurs, une deuxième définition faisant


Sébastien Chailleux

Politiste, Enseignant à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour et chercheur à l'UMR-TREE)

Philippe Zittoun

Politiste, Directeur de recherche en science politique au LAET-ENTPE de l'Université de Lyon, secrétaire général de l’Association internationale de Politique Publique (IPPA)