Écologie

L’été de tous les records ? Éthique, écologie et conservation

Philosophe, Philosophe

Depuis une semaine, l’Ouest canadien est pris sous un « dôme de chaleur » et bat chaque jour des records de température, avoisinant les 50°C. Comme le montre le GIEC rapport après rapport, l’évaluation scientifique des conséquences écologiques et des implications politico-sociales de ce type d’« exploit » météorologique est catastrophique. Afin de mettre en œuvre les actions et politiques nécessaires pour y répondre, il est temps de considérer le rôle essentiel d’une éthique de l’environnement liée aux sciences de l’écologie et de la conservation.

Le 26 juin dernier, aux alentours de 16 heures, la station météorologique d’Environnement Canada située dans la ville de Lytton (ƛ’q’əmcín), en Colombie-Britannique, battait un record historique. Le record du jour le plus chaud de l’histoire récente du Canada : 46,9 degrés Celsius.

Dimanche, Lytton (ƛ’q’əmcín) surpassait de près de deux points les 45 degrés mesurés le 5 juillet 1937 dans deux villes du Saskatchewan, Midale et Yellow Grass. Ces chiffres ont une portée symbolique. L’un des territoires les plus froids de la Terre vient de mordre la ligne de ceux qui y sont les plus chauds. Aujourd’hui, de tels records surprennent encore. En tant que « records », ils peuvent même créer une étrange forme d’expectation. Jusqu’où l’explosion des limites climatiques du monde écologique peut-elle aller ? Après Lytton, quelle sera la suite ?

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Sur un plan scientifique, les températures relevées à Lytton (ƛ’q’əmcín) sont moins surprenantes bien qu’elles restent encore inhabituelles. L’analyse des relevés de température effectués par les météorologues entre 1948 et 2016 au-dessus du 60e parallèle Nord tend à indiquer, par exemple, une élévation des températures moyennes annuelles de 1,7 à 3 degrés Celsius suivant les zones considérées.

Surtout, l’évaluation scientifique des conséquences écologiques et des implications politico-sociales de ce type d’« exploit » météorologique est catastrophique [1]. Loin de l’éclat de certains records, les températures observées à Lytton (ƛ’q’əmcín) s’ajoutent à une interminable liste d’événements écologiques et climatiques qui peuvent être évalués négativement avec raison, justifiant alors une diversité d’actions et de politiques en faveur de ce qu’on appelle communément « l’environnement ». Partant de ce constat, ce texte appelle à considérer le rôle essentiel d’une éthique de l’environnement liée aux sciences de l’écologie et de la conservation pour penser et mettre en œuvre de telles actions.

Éthique de l’environnement, philosophie d


[1] Voir par exemple, le dernier rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES. Hans Otto-Portner et al., « Scientific outcome of the IPBES-IPCC co-sponsored workshop on biodiversity and climate change » (PDF), 24 juin 2021, consulté le 28 juin 2021.

[2] La biologie de la conservation est une discipline scientifique dont le mandat historique est d’offrir des moyens concrets de maintien de la diversité biologique ou « biodiversité » dans un contexte de crise écologique. Les principes directeurs et les valeurs de la biologie de la conservation ont été définis par Michael Soulé au début des années 1980 et influencent encore aujourd’hui les discussions sur le rôle et les objectifs de la discipline. Michael E. Soulé. « What Is Conservation Biology? », BioScience n° 11, 1985.

[3] La philosophie de l’écologie et la philosophie de la biologie appartiennent au domaine de la philosophie des sciences. Toutes deux s’intéressent aux questions posées par les concepts, les théories, les méthodes, les valeurs, etc., qui soutiennent ou peuvent influencer la recherche menée dans les sciences de l’écologie et de la biologie.

[4] Pour une analyse du débat sur le concept d’espèce au sein de la philosophie de la biologie et dans les sciences de la biologie, voir Thomas A. C. Reydon. « On the nature of the species problem and the four meanings of ‘species’ », Studies in History and Philosophy of Science Part C: Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences n° 1, mars 2005.

[5] Donato Bergandi. « Les métamorphoses de l’organicisme en écologie : De la communauté végétale aux écosystèmes », Revue d’histoire des sciences n° 1, 1999.

[6] Donato Bergandi. « Fundamentals of Ecology de E. P. Odum : véritable « approche holiste” ou réductionnisme masqué ? », Bulletin d’écologie n° 1, 1993.

[7] Frank N. Egerton. « Économie de la nature », dans Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, vol. 1, PUF, 1996.

[8] Voir par exemple : Pascal Acot, Histoire de l’écologie, PUF, 1988.

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Antoine C. Dussault

Philosophe, Professeur de philosophie au Collège Lionel-Groulx (Sainte-Thérèse, Québec), chercheur au Cirst et au Cré à Montréal, membre associé de l'IHPST à Paris

Ely Mermans

Philosophe, Doctorant·e en philosophie, chercheuseur au Cirst à Montréal et à l'IHPST à Paris, cofondateurice et coordinateurice du Groupe de recherche en éthique environnementale et animale (Gréea)

Mots-clés

Climat

Notes

[1] Voir par exemple, le dernier rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES. Hans Otto-Portner et al., « Scientific outcome of the IPBES-IPCC co-sponsored workshop on biodiversity and climate change » (PDF), 24 juin 2021, consulté le 28 juin 2021.

[2] La biologie de la conservation est une discipline scientifique dont le mandat historique est d’offrir des moyens concrets de maintien de la diversité biologique ou « biodiversité » dans un contexte de crise écologique. Les principes directeurs et les valeurs de la biologie de la conservation ont été définis par Michael Soulé au début des années 1980 et influencent encore aujourd’hui les discussions sur le rôle et les objectifs de la discipline. Michael E. Soulé. « What Is Conservation Biology? », BioScience n° 11, 1985.

[3] La philosophie de l’écologie et la philosophie de la biologie appartiennent au domaine de la philosophie des sciences. Toutes deux s’intéressent aux questions posées par les concepts, les théories, les méthodes, les valeurs, etc., qui soutiennent ou peuvent influencer la recherche menée dans les sciences de l’écologie et de la biologie.

[4] Pour une analyse du débat sur le concept d’espèce au sein de la philosophie de la biologie et dans les sciences de la biologie, voir Thomas A. C. Reydon. « On the nature of the species problem and the four meanings of ‘species’ », Studies in History and Philosophy of Science Part C: Studies in History and Philosophy of Biological and Biomedical Sciences n° 1, mars 2005.

[5] Donato Bergandi. « Les métamorphoses de l’organicisme en écologie : De la communauté végétale aux écosystèmes », Revue d’histoire des sciences n° 1, 1999.

[6] Donato Bergandi. « Fundamentals of Ecology de E. P. Odum : véritable « approche holiste” ou réductionnisme masqué ? », Bulletin d’écologie n° 1, 1993.

[7] Frank N. Egerton. « Économie de la nature », dans Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, vol. 1, PUF, 1996.

[8] Voir par exemple : Pascal Acot, Histoire de l’écologie, PUF, 1988.

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