Architecture

Nicola Delon : « Les architectures sont toujours des récits »

Géographe

Comment continuer à penser l’habitation, dans un moment historique où nous sommes sur la corde raide écologique, entre tout ce qui s’effondre et le potentiel de ce qui pourrait exister ? C’est pour répondre à cette question que Nicola Delon et Julien Choppin ont créé l’agence d’architecture Encore Heureux. Avec pour objectif de nourrir le métier d’architecte de complexités, par le recours aux sciences sociales, des « projets manifeste », et des expositions parfois purement plastiques comme actuellement Énergies Desespoirs. Réparer le Monde au Centquatre à Paris.

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Nicola Delon est l’un des fondateurs, en 2001, avec Julien Choppin, de l’agence Encore Heureux, qui s’est rapidement imposée comme particulièrement audacieuse et inventive. Une audace qui ne tient pas à une position esthétique ou à des choix techniques particuliers, qui se traduiraient dans un style de bâtiment qu’on reconnaitrait de suite (comme une construction de Franck Gehry s’impose immédiatement en tant qu’objet plastique identifiable, et c’est d’ailleurs ce que le constructeur achète et l’utilisateur consomme), mais participe d’une volonté de mettre l’architecture sous tension de la réflexion sur le type de coexistence sociale au sein des villes et d’habitation humaine de la planète qu’on devrait envisager pour construire un Monde plus juste. L’agence s’est ainsi engagée dans des projets très atypiques et qui ont suscité un intérêt croissant, jusqu’à lui permettre d’obtenir le commissariat du Pavillon français à la biennale de Venise de 2018, où elle a proposé une exposition manifeste : Lieux infinis, particulièrement marquante et commentée. Depuis le 29 mai 2021 se tient au Centquatre à Paris une nouvelle grande exposition : Énergies Désespoirs. Réparer le monde, conçue par Encore Heureux, l’artiste Bonnefrite et l’École urbaine de Lyon, qui permet à Nicola Delon et Julien Choppin de prolonger leur réflexion sur la question anthropocène et sur le problème de la crise de l’habitabilité de la planète (le catalogue de cette exposition, auquel s’est associé AOC, a paru aux éditions 205). Il a semblé intéressant de dialoguer avec Nicola Delon autour d’une question importante et trop peu abordée : alors que les modèles d’urbanisation qui ont dominé depuis 30 ans semblent plus que jamais remis en question par les crises sociales, politiques, environnementales et que la vulnérabilité du système urbain mondial vient d’être révélée au grand jour par la pandémie, que peuvent l’architecte et l’architecture en matière de réorientation de la fabrique de la ville et des territoires ?  ML

J’aimerais commencer par une question un peu convenue, mais qui à mon sens a de l’importance pour essayer de caractériser votre travail. C’est une question relative à votre parcours de formation, qui permettrait tout de suite de mettre en perspective l’un des tout premiers projets que vous avez conçu, en 2002 – qui je crois, était votre projet de fin d’études,Wagons-Scènes. Est-ce qu’on n’y trouve pas déjà en puissance, même s’il s’agit du projet de très jeunes diplômés d’une École d’architecture, une partie du programme que vous allez développer ensuite au sein de l’agence Encore Heureux ? Ce projet était déjà à l’époque très décalé par rapport à la production française.
Wagons-Scènes était en effet notre projet de fin d’études avec Julien Choppin, avec qui j’ai fondé Encore heureux dès 2001. C’était un projet d’équipements culturels se déplaçant sur le réseau ferroviaire secondaire, dont le point de départ est l’intuition d’une injustice territoriale entre des métropoles, que ce soit Paris ou les grandes capitales régionales, et les territoires dont sont issus leur jeunesse, leurs ressources, leur énergie, leur agriculture. Originaires aussi de ces territoires – je viens de l’Aveyron et Julien venait du Lot –, on a souhaité très tôt questionner le rapport entre ces espaces si différents. Mais le deuxième principe qui sous-tend Wagons-scènes, c’est de considérer que l’architecture n’est pas qu’une question spatiale mais aussi une question de temporalités. Quand on dessine et on conçoit un chapiteau qui se déplace au sein d’un territoire, on regarde les lieux où il s’installe et on regarde aussi les temporalités ou la saisonnalité dans lesquelles l’architecture va se déployer. Dès cette époque, nous avions envie de regarder d’abord des situations, une envie en rupture avec une architecture de l’objet et avec l’allégorie de la puissance du démiurge qui concevrait un objet et chercherait à l’imposer comme une pure création plastique. À rebours de cela, l’importance de l’observation et cette curiosité pour les lieux et les situations – et donc à ce que j’appellerai le « déjà-là » – a été très fort dès le début, ainsi que la question de l’intensité d’usage. Bref, ce qui nous intéresse dès 2001, ce n’est pas vraiment l’architecture, c’est plutôt en quoi l’architecture va permettre ou non des situations d’émancipation, des situations de rencontre, des situations de mieux-vivre. Ce projet-là est un projet d’étudiants très naïfs, certainement, mais il porte en lui cette volonté de l’attention, d’être à la fois attentif et attentionné, qui est très importante encore aujourd’hui pour nous et l’idée que l’usage doit être au cœur de la préoccupation des concepteurs de l’espace.

Pour vous, jeunes architectes formés à Toulouse dans cette fin des années 90, s’impose donc la nécessité d’une démarche de critique de l’architecture telle qu’elle est habituellement enseignée. Une critique assez radicale puisque vous êtes amenés à dire que l’architecture vous intéresse moins que ce qu’elle permet, notamment la réflexion sur l’usage. Quels appuis trouvez-vous dans votre formation pour construire cette approche décalée ?
Je pense que cela vient d’un éloignement très précoce, et paradoxal sans doute, avec l’architecture en tant que telle. Julien Choppin venait vraiment d’une pratique artistique qui le motivait beaucoup plus que l’acte de bâtir. Moi, je venais plutôt d’un intérêt pour les sciences sociales et les questions de société. Mes parents sont médecins, je suis issu de cette gauche humaniste provinciale qui considère que le bonheur des uns ne peut pas se faire sans celui des autres, et qu’il faut d’abord prendre soin de l’ensemble avant de prendre soin de soi – comme le dit Deleuze, la différence entre la gauche et la droite, c’est le sens dans lequel on compte ce qui nous attache, ce qui est important [1]. Ça a été un point de départ très personnel de la part de Julien et de ma part qui fait que nous nous lançons dans des études d’architecture, sans que celle-ci nous importe plus que cela en tant que telle.

Ensuite, il y a une rencontre fondamentale avec un architecte réellement iconoclaste, Patrick Bouchain, que l’on fait en 2001. Patrick Bouchain à l’époque n’était pas très connu dans le milieu des écoles et avait conçu des architectures de cirque, des architectures foraines. Immédiatement, nous nous reconnaissons totalement dans cette mise en avant de la légèreté des formes provisoires, couplée à une incroyable attention à l’intensité d’usage autorisée par ces formes et à la poésie aussi qui s’en dégage, parce que ces architectures foraines sont magiques et riches d’émotions partagées. Notre projet de chapiteau Wagons-Scènes est imprégné de cela : c’est une architecture du cirque qui se déplace sur une infrastructure magnifique, l’infrastructure ferroviaire. On fait se rencontrer deux techniques apparemment sans rapports possibles, celle du transport « lourd » et celle de l’habitat léger ou de la construction mobile. Je tiens à saluer aussi le rôle d’un professeur très important pour Julien et moi, Patrick Pérez, disparu en 2019, qui était professeur d’anthropologie spatiale à l’École d’architecture de Toulouse. Il nous a énormément inspiré, il nous a vraiment fait comprendre que l’on ne pouvait pas penser des espaces sans penser les attachements liés à ces espaces. Et cela nous a bouleversé et nous a communiqué une énergie, une volonté de créer autre chose. Ensuite je suis parti à Montréal où j’ai rencontré un architecte-ingénieur, un peu dans la lignée d’un Buckminster Fuller, qui me persuade que les stratégies techniques étaient aussi des angles d’innovation. Julien, quant à lui, étudie à Clermont-Ferrand où là aussi, il découvre d’autres champs comme la scénographie. Au final, à nous deux, nous avons fréquenté cinq écoles d’architecture. On a commencé à Toulouse et on a terminé à Paris-La Villette ! Nous nous sommes nourris de ce parcours et de ces rencontres.

Vous êtes encore un jeune architecte mais votre agence a déjà 20 ans de travail derrière elle. Vous vous engagez tout de suite, donc, dans des projets très atypiques par rapport aux standards de la pratique architecturale : des projets de structures éphémères, des projets d’expérimentation. Le succès et la reconnaissance ne vous ont pas fait abandonner ce type de projets qui paraissent essentiels à votre travail. Par exemple, il n’y a pas si longtemps, alors que vous étiez déjà propulsés dans le grand bain des agences innovantes, vous avez réalisé ce projet qui a fait grand bruit, à juste raison, le Pavillon circulaire. Un pavillon qui était d’ailleurs rectangulaire, car la circularité dont il était question renvoyait à la circularité des matériaux : tout était construit à partir de matériaux de récupération. On constate aussi que vous vous investissez énormément dans des conceptions de scénographie, d’expositions, comme s’il y avait chez vous la volonté de faire en sorte de pouvoir montrer, non pas l’architecture, mais, à partir de et avec l’architecture, ce qu’il en est de l’attachement aux lieux, aux usages. Il y a là une « stratégie » (peut-être n’est elle pas totalement intentionnelle) qui me paraît très cohérente.
Je pense que tout cela procède d’une grande curiosité et aussi d’une intuition que la complexité est un allié. Faisant ce métier d’architecte, qui est un métier complexe, on a souhaité le nourrir de complexités associées à l’aide de ce que j’appellerais des projets manifestes. Quand on réalise le Pavillon circulaire, c’est un projet manifeste. Un projet petit par sa taille, mais important par sa situation et par son message. On se trouve sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris, on est en 2015 au moment de la COP21 et la Ville nous commande un bâtiment qui va parler de l’épuisement des ressources et de la nécessité de transformer toute la chaîne de l’acte de bâtir. C’est un petit édifice, entièrement construit avec des matériaux de récupération, et qui prend position sur un sujet gigantesque. Il met en exergue qu’il n’y a plus de matériaux pour construire, que l’extractivisme doit cesser dans les proportions actuelles et qu’il faut réemployer les matières que l’architecture et la construction mettent classiquement au rebut.

Ces petits projets manifestes sont des lieux et des moments d’expérimentation, de très grande liberté, où nous nous constituons un bagage professionnel et une identité très particulière, qui viennent en parallèle nourrir une activité relativement plus traditionnelle, même si nous n’avons jamais construit deux bâtiments qui se ressemblent. Quand nous réalisons un bâtiment flottant, un cinéma dans le Gers, un musée pour la ville de Suresnes, un centre d’innovation pour des grandes entreprises, la réhabilitation du siège de Michelin, un lycée à Mayotte, on pourrait dire qu’on est dans le cœur du métier d’architecte tel qu’on le connaît. Mais, peu à peu, à mesure que notre activité s’est développée, on a eu le sentiment que ces opérations plus « normales », du moins plus classiques, nous permettaient de poser des questions de fond avec des projets plus alternatifs, qui eux-mêmes venaient réinterroger notre pratique architecturale. Nous avons ainsi sans cesse stimulé, au sein de l’agence, cet aller-retour entre notre pratique d’agence d’architecture – devant répondre à des commandes et gagner des concours – et des questions que nous voulons avoir sans cesse sur notre pratique et sur les modalités d’exercice de l’architecture, en général. Dans ce cadre, les expériences de conception d’expositions et de scénographies ont donc le même statut que les opérations manifestes. Quand on propose en 2014 l’exposition Matière Grise au Pavillon de l’Arsenal [2], c’est déjà parce qu’on veut mettre en évidence l’épuisement des ressources et questionner là-dessus les architectes, les maîtres d’ouvrage, les constructeurs, l’ensemble de la chaîne de fabrication de nos environnements. C’est en ce sens que Pavillon circulaire est une continuation directe, par d’autres moyens, de Matière grise. Dans l’autre sens, des expositions naissent de nos interventions sur les bâtiments. Quand, en 2018, on fait l’exposition Lieux infinis à la biennale d’architecture de Venise, c’est parce qu’on veut questionner, à partir de nos expériences, la notion de mélange d’usages et considérer que les innovations sociales doivent s’ancrer dans des lieux.

En un sens, les expositions ou les opérations « manifestes » sont des actions d’expérimentation. C’est un peu l’équivalent de ce qu’est la paillasse pour un physicien : ce sont des expériences qui vous permettent de tester des hypothèses de travail et que vous pourrez ensuite réinvestir dans des opérations plus standards – encore que chez vous, elles ne le sont jamais complètement. N’est-ce pas aussi ce qui vous permet de prendre position, d’être dans la proposition de débat et de discussion permanente ?
Je reprendrais la métaphore en disant que c’est une paillasse, mais à la vue de tous et sur l’espace public. Ce ne sont pas des expériences ou des expérimentations en laboratoire clos, où l’on resterait entre nous ou entre experts essayant de mettre au point les conditions d’une architecture du futur. Car nous voulons exposer des questions sur la place publique. Ainsi, en 2015, on propose une installation pour la Nuit blanche à Paris, où l’on dresse une grande enseigne lumineuse qui s’appelle Extinction – c’était avant Extinction Rébellion ! On décide de faire une installation artistique avec 250 gyrophares qui inscrivent le mot extinction, afin d’exposer au vu et au su de tous les visiteurs le problème de la sixième extinction des espèces. Quand on montre Overshoot, dans le cadre de la biennale Design City 2014 à Luxembourg, un dispositif avec des balançoires qui se balancent au-dessous d’une grande « enseigne » qui épelle le mot overshoot, qui désigne le dépassement des limites planétaires, c’est bien parce que l’on prend conscience de la nécessité de mettre en visibilité cette avancée dans l’année du jour (l’Overshoot day, le jour du dépassement) auquel on dépasse les limites écologiques de la planète. On décide d’en faire une installation ludique, avec ces enfants poussés par leurs parents dans des balançoires au-dessous de ce mot qui nous, nous terrorise. Donc nous voulons montrer clairement des questionnements, tout en étant discrets sur les réponses. Je pense que c’est quelque chose qui continue de nous inspirer : installer les conditions pour permettre à la puissance du débat d’agir, sans présager de l’issue du débat. Nous utilisons les moyens qui sont les nôtres : des maquettes, des images, des dessins ou des peintures, pour poser un sujet et exprimer des intuitions, des pensées. Ce qui nous intéresse le plus, au fond, c’est de trouver les conditions scénographiques du partage de nos intuitions et de nos questionnements, mais sans vouloir forcer le spectateur à penser comme nous, en l’incitant à s’emparer pour lui-même de ces questions.

Là aussi, vous rompez avec une certaine tradition du milieu professionnel de l’architecture, et d’ailleurs d’autres métiers proches comme les ingénieries de la construction, etc. Vous ne vous placez pas en position de savants omniscients, qui détiennent un savoir qui serait le seul savoir autorisé et légitime. Vous apportez des interrogations, vous partagez vos perplexités, vos indécisions. Mais vous ne surdéterminez pas ce partage par l’idée que vous auriez déjà la réponse. C’est comme cela que je vous découvre personnellement, en tant qu’universitaire, à travers vos expositions, plus dans une posture que je pourrais appeler de chercheurs, tentant avant tout d’énoncer clairement les problèmes qu’ils se posent et les doutes qui les assaillent.
Je partage cette remarque et j’aime bien dire que pour cela, il faut à la fois croire énormément en ses doutes et douter de ses croyances. Il y a un effet miroir : il faut douter de ses certitudes pour s’engager, il faut aussi croire dans ses intuitions que quelque chose ne va pas très bien. Quand on décide de faire Matière grise en 2014, on ne connaît quasiment rien au sujet du réemploi par rapport à des équipes célèbres comme le collectif Rotor en Belgique, une référence mondiale sur cela. Je me rappelle très bien de ce moment où l’on s’est demandé si nous étions légitimes pour faire une exposition sur une telle question en n’étant pas spécialistes. Mais c’est là que peut-être notre formation d’architecte prend le dessus, parce que l’architecte n’est pas spécialiste de grand-chose, si ce n’est d’une intégration des spécialités connexes ou de l’intégration d’une complexité normative, historique, sociale, économique et d’une capacité à organiser spatialement les choses pour les rendre visibles et discutables. On doit aussi ajouter que dès le début, avec Julien, nous avons souhaité construire nos projets de manière très collective. Il n’y a pas un seul projet, grand ou petit, qui n’ait embarqué un grand nombre de personnes très proches de nous ou éloignées, à qui nous avons proposé de nous rejoindre. Cela témoigne de cette envie de dépasser la question du concepteur qui aurait à la fois la question et la réponse. Et de dire : non, c’est plutôt le concepteur qui va partager ses intuitions, qui va associer d’autres sensibilités afin de proposer ensemble des pistes d’analyse d’un problème. On aime bien parler de notre métier comme d’un travail de pisteur ou comme une activité qui nous fait suivre une lueur – ça dépend d’où l’on se situe – pour essayer de répondre à la seule question qui, en fait, nous intéresse : comment continuer à penser l’habitation, dans un moment historique où nous sommes sur la corde raide entre tout ce qui s’effondre et le potentiel de ce qui pourrait exister. C’est cette interrogation, qui nous obsède presque, qui nous a menés à concevoir notre dernière exposition, Énergies Désespoirs.

Pour avoir travaillé avec vous sur certains de vos projets récents, je peux témoigner de l’importance de ce collectif. Le travail collectif prime, j’allais même dire, le travail coopératif, car Encore Heureux aime organiser autour de ces projets une sorte de coopérative de travail. Vous n’êtes pas des architectes technicistes, au sens où vous ne cherchez pas à mettre en avant une technique, ou stylistes. C’est d’ailleurs intéressant de dire que vous n’avez pas – et ce n’est pas une réserve – de style architectural qu’on pourrait immédiatement reconnaître du premier coup d’œil, même si quand on observe bien, on va retrouver quand même des régularités dans vos interventions. Chacune de vos opérations tient compte des situations et du système coopératif que vous êtes capable de créer.
Faire des projets collectifs exige de savoir lâcher prise sur là où le collectif va aller, en ayant une extrême confiance dans la capacité du collectif à aller quelque part ! Il faut accepter qu’ayant travaillé sur les conditions du résultat, on n’a pas la maîtrise du résultat. Je pense que c’est très important. C’est ce qu’on appelle la différence entre une architecture du résultat et une architecture du processus. L’architecture du résultat, c’est : je fais un dessin sur une feuille blanche et ensuite je dis débrouillez-vous – je veux cela et peu importe s’il faut aller chercher les matériaux à l’autre bout de la planète, peu importe si ça coûte quatre fois le prix envisagé. Il y a encore énormément d’architectes qui se tiennent dans ce type de pratique. L’architecture du processus, c’est plutôt le travail sur les conditions de la fabrication d’un résultat collectif qui n’est pas connu a priori. Et ça, c’est passionnant. Ça devient aussi le principe directeur d’une pratique d’une architecture beaucoup plus vivante, qui va se nourrir évidemment du contexte, évidemment des savoir-faire et évidemment, des matériaux. C’est ce qui nous a permis de comprendre que la question des savoir-faire constructifs et de qui les met en œuvre est une question absente de la réflexion de l’architecture aujourd’hui. Il est déroutant de constater la déconnexion complète entre ce qui est fait dans l’enclos des agences, devant les ordinateurs avec tous les logiciels qui permettent de concevoir en 3D de manière de plus en plus sophistiquée, et ce qui est construit, à partir de cette conception, par des personnes de chair et de sang, innombrables et anonymes, où l’on trouve parfois des personnes sans papiers, dans une situation de précarité hallucinante. Tout cela étant pris dans une chaîne de valeur de l’immobilier totalement délirante et totalement inégalitaire, parce que les gens qui construisent ne peuvent pas habiter dans ce qu’ils construisent. Et même les gens qui conçoivent des projets dans les métropoles comme Paris ne peuvent même plus habiter les bâtiments qu’ils dessinent toute la journée. Cela nous parait insensé.

J’ai l’impression, à regarder votre parcours, qu’il y a deux « registres » qui vont petit à petit se chevaucher, s’entremêler et peut-être que l’un est en train de prendre l’avantage sur l’autre. Il y a d’abord tout ce que je renverrais à la légèreté, ce travail qui parle de cette fête de l’architecture foraine, cette fête de l’architecture non-permanente, cette fête du processus coopératif jouissif, allègre et gai qui permet la création de ces drôles d’objets architecturaux que vous proposez. Et puis, vous me passerez j’espère le jeu un peu rudimentaire sur les mots, j’ai l’impression que votre activité est aussi marquée non pas par la légèreté, mais par une certaine gravité, que je vois s’affirmer au tournant des années 2010, et qui participe de votre prise de conscience de plus en plus aiguë de la gravité de la question environnementale. Votre prise de conscience du fait que l’architecture va devoir affronter la pire des questions envisageables, c’est-à-dire la question de savoir si la Terre peut devenir inhabitable. Cette gravité s’impose de plus en plus, ce qui ne veut pas dire que vous devenez ennuyeux, mais qu’elle imprègne de plus en plus votre travail. Cette pratique un peu plus légère, centrée sur la volonté de comprendre les usages, la créativité des liens au lieu, plutôt que de disparaître, ne s’est-elle pas métabolisée par l’interrogation environnementale ?
Je pense qu’on retrouve ces deux aspects assez tôt. D’abord, ce rapport à une sorte d’optimisme – si on s’appelle Encore Heureux, ce n’est pas anodin –, cet étendard qui est une manière de signifier qu’on n’a pas d’autre choix que de rechercher ce meilleur moment à passer ensemble, collectivement sur ce petit caillou perdu dans l’univers. Ensuite, la question de la gravité ou la question du sérieux m’importe. J’aime beaucoup cette expression, « soyons sérieux », dans le sens où être sérieux, ce n’est pas être ennuyeux, ce n’est pas être triste. Au contraire, être sérieux, c’est considérer que les choses sont partageables, compréhensibles, que nous pouvons les partager et que les gens peuvent les comprendre aussi. C’est ça aussi être sérieux, c’est considérer qu’il n’y aurait pas d’un côté les sachants et de l’autre côté les non-sachants qui, eux, ne comprendraient rien.

Je pense que Lieux infinis est une forme de bascule, mais aussi une forme de synthèse. On y parlait de cette légèreté des occupations alternatives transitoires, qui sont souvent des nécessités intenses du point de vue de leurs acteurs et des personnes qui engagent leur vie dans ces projets. Et en même temps, on voulait parler de ces lieux « infinis » et se nourrir des expériences qu’ils fixent, pour penser la ville. Car ces lieux « hors », à la marge, différents, sont peut être ces endroits où, à un moment où les marges de manœuvre se réduisent, où les certitudes semblent s’effondrer, on trouve des raisons d’espérer, malgré tout. Traiter à la fois les sujets légers avec sérieux et traiter les sujets sérieux avec une forme de légèreté, c’est aussi ce retournement auquel on s’essaye avec beaucoup de curiosité, de modestie et de travail, parce que les grandes expositions dans lesquelles nous nous engageons sont des expositions de fond, qui nous mettent en tension permanente, ce sont des vrais engagements personnels, intellectuels, professionnels, politiques et éthiques.

Concentrons-nous si vous le voulez bien sur trois grandes exposition programmatiques qui constituent des signatures de votre agence : Matière grise au Pavillon de l’Arsenal en 2014 ; Lieux infinis en 2018 dans les Giardini de Venise au Pavillon français – ainsi que dans une caserne sur l’île du Lido, que vous investissez pendant six mois et dont vous faites un lieu de vie et de réflexion éphémère; enfin, Énergies Désespoirs. Réparer le Monde, au Centquatre, à Paris, qui se déroule actuellement et jusqu’à la fin de l’été, une exposition encore différente des deux premières. Pouvez-vous vous arrêter rapidement sur chacune d’entre elles ?
Bien volontiers. Matière grise nous permet de partager deux choses principales. La première, c’est l’épuisement des ressources et la deuxième, c’est l’explosion des déchets issus du champ du bâtiment et des travaux publics – 75 % des déchets en Île-de-France viennent des travaux publics. Donc, imaginez que d’un côté, on a de moins en moins de matière et de l’autre côté, on produit des quantités astronomiques de déchets. Tout d’un coup, on a une forme de révélation en se disant, bon sang, mais c’est bien sûr ! Si on évite d’extraire et on décide de ne pas jeter, il faut engager l’architecture dans le réemploi (une pratique ancienne de la construction, mais oubliée). Cette idée, qu’on trouve petit à petit, en travaillant, c’est qu’il faut généraliser le réemploi, à la fois celui des matériaux, celui des savoir-faire, celui des bâtiments, celui des infrastructures. On considère que le prélèvement que nous réalisons sur les écosystèmes, proches ou lointains, ne peut plus continuer à cette échelle-là. Et si l’on pose tout cela comme acte fondateur d’une architecture possible à venir, on est obligé de considérer que l’essentiel, c’est le « déjà-là », et que le reste, ce ne sera que des arrangements. On souhaite parler de ce sujet-là, on souhaite le partager, on souhaite aussi secouer la profession et je pense que cette exposition a marqué – on nous le dit souvent. Elle a accueilli près de cent mille visiteurs, elle s’est déplacée et se déplace encore dans de très nombreux endroits.

Lieux infinis aborde le sujet de l’invention collective de lieux pionniers qui s’arment pour affronter les défis contemporains [3]. Ces défis contemporains sont sociaux, culturels, écologiques, ils concernent l’équité des territoires et engagent une réflexion sur le rapport à la propriété. Dans cette exposition, nous montrons dix lieux qui s’affirment à partir d’une friche, d’un délaissé. Nous présentons par exemple un projet d’habitat participatif dans le Gers, qui est incroyable, où 15 familles décident d’acheter et de réhabiliter ensemble un ancien couvent. On montre aussi l’action de Roger des Prés, qui installe sa ferme du bonheur sur un terrain de l’université de Nanterre en 1993, et en fait un lieu de respiration et de culture comme une bouée de sauvetage pour les oubliés des zones périphériques. On expose également l’aventure des Grands Voisins, une expérience d’occupation temporaire de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul au sein du 14e arrondissement à Paris qui, pendant cinq ans, a été un lieu d’intensité permettant de mettre en contact et en relations de coopération à la fois des personnes en très grande précarité ou des personnes en hébergement d’urgence, des fabricants-makers et des jeunes créatifs qui n’ont pas les moyens de trouver des lieux où travailler, et des gens du quartier. Les dix lieux dont nous documentons l’expérience sont infinis car ils entrent dans un cycle de « reprise » qui peut ne jamais avoir de cesse et ce sont des lieux de rencontres et de construction d’initiatives. En ces lieux, ces espaces et ces temps, quelque chose se joue en matière d’inventions sociales, dont l’architecture n’est qu’un des composants et dont un autre serait la gouvernance, pas au sens politicien du terme, mais au sens de la capacité d’organiser et de réguler la coopération dans et avec le lieu. Et donc, on montre dans une certaine mesure qu’une gouvernance d’un lieu infini a autant de force en matière de tenue de l’espace-temps que la forme d’une voûte ou que la matérialité d’une façade. Le sous-titre de l’exposition était : « Construire des bâtiments ou des lieux ? » Et on souhaite poser une question, encore une fois, sur cette dissociation entre le contenu et le contenant, la forme et le fond et en fait, sur où se situe le possible.

Et donc, on arrive à l’exposition Énergies Désespoirs, la dernière en date. C’est lors de Lieux infinis que nous nous sommes rencontrés vous et nous, nous ne vous connaissions auparavant que par vos textes. Je me rappelle très bien ce moment sur l’île du Lido, à la caserne Pepe, où nous avons échangé, à partir de l’approche des lieux infinis, autour de cette question plus générale de l’habitation humaine et de l’habitabilité à venir de la Terre. Question d’une intensité et d’une immensité sans pareilles, et nous nous sommes retrouvés à la fois sur la nécessité de continuer à partager nos analyses des « désespoirs », de ce qui menace l’habitabilité de la Terre en raison du changement global, et sur la nécessité pas moins impérieuse de partager les exemples d’initiatives sources d’énergie et sources d’espoir. Et donc, cette dualité nous a semblé nécessaire à travailler collectivement : d’un côté, on a quelque chose qui nous tient debout et de l’autre côté, on a l’impression que l’on pourrait s’effondrer la minute suivante. Donc, nous nous posons la question : comment montrer et partager cela? L’idée s’impose vite de le faire dans un lieu de création, le Centquatre, qui nous est cher à la fois parce que notre agence y a ses locaux et en raison de son ouverture à tous les publics. Et l’envie vient aussi de concevoir cette exposition avec vous et l’École urbaine de Lyon (nous avions déjà réalisé une première exposition ensemble en 2019) et de faire appel à l’artiste-peintre Bonnefrite avec lequel nous avions déjà travaillé, notamment pour Matière grise. Nous composons donc un collectif spécifique pour cette aventure.

Pour les lecteurs qui n’auraient pas vu encore Énergies Désespoirs – Un monde à réparer, il faut préciser que c’est une exposition entièrement en peinture, une sorte de programme peint par un seul artiste qui a travaillé avec des co-commissaires scientifiques que sont Encore Heureux et l’École urbaine de Lyon [4]. Un programme peint où la moitié des 120 peintures documente en noir et blanc des constats désespérants concernant l’évolution du Monde – c’est-à-dire qu’on découvre 60 désespoirs en ce qui concerne le changement global et l’impact des activités humaines sur les systèmes biophysiques planétaires – et autant de peintures en couleurs qui montrent 60 énergies, 60 initiatives, projets, incitations à trouver des solutions pour faire face aux effets du changement global sur nos sociétés. Cette exposition est à la fois une ouverture pour la suite de votre travail, mais aussi l’aboutissement de vingt années d’activité d’agence d’architecture pour tenter de comprendre ce que l’architecture permet de dire sur l’habitation humaine de la Terre. Ainsi, même si Énergies Désespoirs est peut-être la moins explicitement architecturale de vos expositions, je trouve que c’est sans doute celle qui est la plus profonde en matière de réflexion sur ce que vous pouvez dire des espaces de vie humaine à partir de  la pratique de l’architecture.
À aucun moment on ne s’est demandé avec Julien, et ensuite avec l’équipe constituée, si cette exposition était de l’architecture ou pas. Je pense que ce qui nous a soutenus et ce qui a permis le travail, c’est une forme de recherche de justesse dans notre perception collective des enjeux du changement global, de l’anthropocène. Quand on est juste et sincère dans sa perception, dans son affect et quand on accepte de les partager, on ne peut pas se tromper – ensuite, la personne peut ne pas avoir le même affect que vous, mais en tout cas, il n’y a pas d’ambiguïté particulière à partager ce qui nous émeut. C’est là où le geste artistique de la peinture nous intéresse et constitue un appui fondamental : le geste artistique va s’appuyer sur cette intuition, cette perception, cet affect, mais va les amener ailleurs. Et je trouve que ce qu’on a réussi, c’est de parvenir à ce que les sujets extrêmement complexes qui sont traités dans cette exposition se transforment en des dessins d’une simplicité redoutable. Je pense qu’une exposition, c’est une forme de récit. Et c’est là peut-être, où l’architecte et l’architecture se retrouvent aussi. Les architectures sont toujours des récits. Il n’y a pas d’architecture qui ne s’appuie – même le pavillon de périphérie avec la piscine – sur un récit. Le transfert que nous faisons quand nous décidons de nous lancer dans une exposition comme Énergies Désespoirs, c’est d’accepter que ces récits s’expriment dans une installation artistique toute en peinture, conçue comme le véhicule d’une pensée collective que nous avons vraiment construite ensemble pendant le temps de la recherche, à partir de quelques intuitions partagées.

On voit se multiplier ces derniers temps dans des milieux très divers, à la faveur, par exemple, de la promotion du « zéro artificialisation nette » comme nouveau procédé réglementaire permettant de contrôler l’expansion urbaine – et évidemment qu’il faut contrôler l’expansion urbaine, d’ailleurs, ça fait très longtemps qu’on aurait dû le faire, il est curieux qu’on ne le fasse que maintenant –, des interrogations sur la constructibilité des espaces. Il y a quelques jours, des activistes d’Extinction Rébellion ont assuré le « blocus » de cimenteries à Paris, mettant en question, et on peut les comprendre, l’insoutenabilité de la production de béton. Dans d’autres cercles, on voit des militants écologistes, parfois des élus, proposer des moratoires sur la construction dans les espaces centraux ou même périurbains. Vous voyez sans doute où je veux en venir, c’est-à-dire au problème du futur de l’architecture. Je ne parle pas là du futur de la théorie architecturale ou du futur du corpus de l’architecture comme œuvre, mais du futur de l’architecture comme champ d’action, en quelque sorte, comme champ professionnel d’intervention au service de la fabrication des espaces de vie en commun. Y-a-t-il un futur pour l’architecture ? Ou, compte tenu des échéances environnementales, les architectes devraient-ils se résoudre à ne plus être jamais des constructeurs ?
Je pense que la question est passionnante et j’ai le sentiment qu’on pourrait y répondre en partie en déconnectant la question de l’architecture de celle de la construction. En fait, dès qu’on déconnecte ces deux notions – d’un côté, l’architecte qui est un concepteur de la façon d’habiter et de l’autre côté, une opération de construction neuve qui prélève des ressources et qui artificialise des sols –, le champ de l’architecture reste incroyablement ouvert et puissant. Si l’on considère les millions de mètres carrés de bâtiments disponibles, vides, inoccupés… On pourrait instantanément considérer qu’on ne construit plus un mètre carré neuf tant que l’on n’a pas réhabilité la totalité des millions de mètres carrés disponibles – en Île-de-France ce sont des millions de mètres carrés de bureaux, mais sur la France entière, il y a 3 millions de bâtiments, de maisons secondaires et autres qui sont inoccupées 90 % du temps. En parallèle de ça, la Fondation Abbé Pierre, qui fait tous les ans son rapport sur le mal logement, parle de 12 millions de personnes en situation de mal logement, voire d’exclusion du logement. Je crois que le béton, par exemple, devrait être considéré comme une matière précieuse, mais on n’est pas là non plus pour dire qu’il ne faut plus employer du tout du béton. Par exemple, nous utilisons du béton pour le grand lycée que l’on construit à Mayotte pour espérer créer un avenir à des gamins des rues. Est ce qu’il vaut mieux que les gamins puissent aller au lycée ? Ou est ce qu’il vaut mieux ne pas utiliser de sable ?

En fait, il faut accepter qu’il n’y a pas de réponse unique à ce genre de question. Je pense que c’est aussi ce qui nous réunit et c’est là où les sciences sociales, dans leur approche de la complexité des situations, sont indispensables. À cet égard, on vit aujourd’hui dans une société de la faiblesse intellectuelle, de la faiblesse rhétorique, de la faiblesse aussi de l’analyse et des critiques, qu’elles soit architecturale ou autre, de la faiblesse de l’alimentation du débat public par la recherche et les idées. Cette faiblesse marque ce début de XXIe siècle de manière très préoccupante : alors qu’on n’a jamais eu autant de capacité collective potentielle de penser la suite, on observe une incapacité collective d’engager ces formes de pensée dans l’action. Voilà pourquoi je crois que l’architecture, dans son rapport à la complexité des choses relatives aux espaces-temps habités, a encore son mot à dire et l’architecte peut avoir de l’avenir parce qu’a priori, il a été éduqué, formé, il a expérimenté le fait de se confronter à la complexité et de tenter d’en tirer une justesse de point de vue, une justesse qui peut être le prélude à une justice – les deux mots se réunissant dans l’adjectif « juste », qui est un adjectif que j’aime beaucoup !

NDLR: Michel Lussault est l’un des commissaires de l’exposition « Énergies Désespoirs. Réparer le monde », visible au Centquatre, Paris, jusqu’au 29 août 2021.

 


[1] «Être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; être de droite c’est l’inverse.» Cette citation est en fait une simplification des propos que Gilles Deleuze tient dans son Abécédaire, documentaire diffusé en 1995 sur Arte.

[2] Encore Heureux, Matière grise. Matériaux/Réemploi/Architecture, Édition du Pavillon de l’Arsenal, 2014.

[3] Encore Heureux (dir.), Lieux infinis. Construire des bâtiments ou des lieux ?, Institut Français, Éditions B 42, 2018

[4] Toutes les peintures sont reproduites dans le catalogue : École Urbaine de Lyon, Encore Heureux, Bonnefrite, Énergies Désespoirs. Un Monde à réparer, Éditions 205, 2021.

Michel Lussault

Géographe, Professeur à l’Université de Lyon (École Normale Supérieure de Lyon) et directeur de l’École urbaine de Lyon

Notes

[1] «Être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; être de droite c’est l’inverse.» Cette citation est en fait une simplification des propos que Gilles Deleuze tient dans son Abécédaire, documentaire diffusé en 1995 sur Arte.

[2] Encore Heureux, Matière grise. Matériaux/Réemploi/Architecture, Édition du Pavillon de l’Arsenal, 2014.

[3] Encore Heureux (dir.), Lieux infinis. Construire des bâtiments ou des lieux ?, Institut Français, Éditions B 42, 2018

[4] Toutes les peintures sont reproduites dans le catalogue : École Urbaine de Lyon, Encore Heureux, Bonnefrite, Énergies Désespoirs. Un Monde à réparer, Éditions 205, 2021.