Amitav Ghosh : « La crise climatique est aussi une crise de la culture et de l’imagination »

Né en 1956 à Calcutta, Amitav Ghosh a grandi en Inde, au Bangladesh et au Sri Lanka. Après des études à la Delhi School of Economics, il a soutenu une thèse d’anthropologie sociale à Oxford. Brièvement chercheur et journaliste, il a commencé à écrire des romans au milieu des années 1980. À ce jour, il en a publié dix ; l’avant dernier, Gun Island, paraitra dans quelques mois en traduction française aux éditions Actes Sud. Mais Amitav Ghosh est aussi professeur de littérature comparée au Queens College de New York et à l’université Harvard, et l’auteur de nombreux essais, parmi lesquels Le Grand Dérangement, paru en 2016 en anglais. Ce texte bref, qui a déjà beaucoup circulé, au-delà des cercles des études littéraires, auprès de toutes celles et ceux qui travaillent sur l’anthropocène et le changement climatique, paraît enfin en français aux éditions Wildproject. L’occasion d’un entretien depuis New York par téléphone. SB
Le Grand Dérangement est né d’une soudaine prise de conscience : alors même que vous étiez, de multiples manières, très directement concerné par le réchauffement climatique, cette question n’apparaissait jamais dans vos romans…
Mon intérêt pour le changement climatique remonte à l’an 2000, lorsque j’ai commencé des recherches en vue de l’écriture du roman qui paraitrait quelques années plus tard sous le titre Le Pays des marées. Ce pays, c’est celui des Sundarbans, cette mangrove du delta du Gange, au sud du Bengale. À l’occasion de ce travail préliminaire, j’ai découvert combien cette province était déjà, depuis longtemps, très durement affectée par le dérèglement climatique. Voilà comment je me suis mis à réfléchir sérieusement à la question et à m’y engager réellement. Quelques années plus tard, en 2009, la région fut frappée par une très, très mauvaise tempête, un cyclone qui a détruit les moyens de subsistance de centaines de milliers de personnes. Un énorme exode a commencé et la situation n’a cessé d’empirer depuis. Mais qu&rs