Politique

La démocratie introuvable (2/2)

Haut fonctionnaire

Loin de constituer un fait antinomique à l’épuisement démocratique, l’émergence de « démocraties illibérales » apparaît plutôt comme le symétrique de l’émergence de la règle sans parole : une partie des classes populaires et des classes moyennes, notamment en Occident, se révolte contre le sentiment de dépossession et d’évidement démocratiques ressentis à mesure que le pouvoir semble s’éloigner du cadre de l’État-nation.

Aux origines de la démocratie, il y a une circularité dynamique entre la souveraineté du peuple et l’État de droit. Ces deux composantes de la démocratie sont structurellement en tension, car l’une est centripète et tendanciellement unanimiste (la souveraineté populaire) quand l’autre est centrifuge et décentralisée (l’état de droit et les libertés individuelles).

Publicité

Cet équilibre, fécond quoiqu’instable, entre souveraineté du peuple et État de droit semble désormais rompu pour une toute autre raison, qui tient aux dynamiques profondes de la mondialisation : le désajustement de l’espace de la politique et de l’espace de la vie humaine. La modernité s’est longtemps caractérisée par une identité d’échelle entre la vie politique et la vie humaine, à tel point que la condition humaine était inséparablement politique et naturelle. L’État-nation était à la fois le cadre de l’action politique et l’espace de déploiement de la vie humaine. Toute la difficulté des temps présents vient de ce qu’il n’y a plus identité d’échelle entre la politique et la vie humaine. La politique persiste à vouloir s’exprimer avant tout dans le cadre géographique, linguistique et culturel de la nation, tandis que la vie humaine se sent de plus en plus à l’étroit dans le cadre de la nation.

Ce phénomène multiforme, complexe, quoique pas inédit que nous appelons « mondialisation » a pour caractéristique première le désajustement de l’espace limité de l’action démocratique, et de l’espace de la vie, qui est marqué par un désir d’infinité, à la fois géographique mais aussi temporelle, puisque ceux-là mêmes qui veulent coloniser le système solaire souhaitent aussi rendre l’homme immortel. Elon Musk en est la figure archétypale. Comment gérer au mieux ce « foyer infini et bouillonnant » qu’est devenue une vie humaine globalisée ? Peut-être pas, affirment les partisans de la démocratie des règles, en confiant les décisions les plus importantes pour l’espèce humaine à des représentants élus dan


[1] Il suffit pour s’en persuader de s’intéresser de près à la politique de forward guidance des banques centrales.

David Djaïz

Haut fonctionnaire, Enseignant à Sciences Po et auteur

Notes

[1] Il suffit pour s’en persuader de s’intéresser de près à la politique de forward guidance des banques centrales.