Sidérations
Je l’emmenai sur la planète Dvau, comparable à la nôtre en taille et en température. Elle avait des montagnes, des plaines, des eaux de surface, une atmosphère dense de nuages, de vent et de pluie. Les fleuves y érodaient les roches en grands canaux qui charriaient les sédiments jusqu’à des mers houleuses.
Mon fils frétillait avidement. Ça ressemble à ici, papa ? Ça ressemble à la Terre ?
« Un peu. »
C’est quoi la différence ?
La réponse n’allait pas de soi, sur cette côte rocheuse et rougeâtre où nous nous trouvions. Il fallut regarder derrière nous. À perte de vue, rien ne poussait.
Elle est morte ?
« Pas morte. Vérifie au microscope. »
Il s’accroupit pour recueillir sur une lamelle un peu de la pellicule qui recouvrait une flaque laissée par la marée. Partout des créatures : spirales et bâtonnets, ballons et filaments, nervurés, poreux ou dotés de flagelles. Il aurait pu passer sa vie à en dessiner toutes les variétés.
Tu veux dire qu’elle est juste jeune ? Qu’elle commence à peine ?
« Elle est trois fois plus vieille que la Terre. »
Il parcourut des yeux le paysage désolé. Alors où est le problème ? Pour mon fils, le foisonnement de créatures évoluées relevait d’un droit imprescriptible.
Je lui expliquai que Dvau était quasi parfaite : au bon endroit d’une bonne galaxie, avec la bonne métallicité et un faible risque d’annihilation par les radiations ou autres perturbations fatales. Elle tournait à la bonne distance autour du bon type d’étoile. Comme la Terre, elle avait des plaques tectoniques, des volcans et un puissant champ magnétique, ce qui stabilisait les cycles carboniques et les températures. Comme la Terre, elle était inondée d’eau par les comètes.
Nom d’un chien. Alors qu’est-ce qu’il a fallu à la Terre ?
« Plus qu’une planète n’en mérite. »
Il claqua des doigts, mais ils étaient trop petits et caoutchouteux pour produire un son. J’ai compris. C’est à cause des météores !
Mais Dvau, comme la Terre, disposait dans une lointaine orbite de grandes planète