Médias

Fric news : qui veut la peau de l’information ?

Journaliste , Journaliste

Orange, SFR, Auchan, Lidl, La Poste : autant d’entreprises dont les encarts publicitaires contribuent à financer massivement des sites internet conspirationnistes, au détriment des médias « traditionnels » guidés par la solidité de leurs informations plus que par la logique du clic. Il est urgent que les annonceurs, les agences de communication, la puissance publique et mêmes les citoyens réalisent l’ampleur de l’industrie du mensonge, et agissent en conscience, car là se joue l’avenir de notre démocratie.

Plus de 2 milliards d’euros : c’est l’argent que versent chaque année des dizaines de milliers d’entreprises aux producteurs de désinformation par le biais de la publicité, selon la société NewsGuard, spécialisée dans la lutte anti-intox[1].

La production de fausses nouvelles génèrerait par conséquent deux fois plus d’argent que le trafic de cannabis en France, dont les recettes s’élèvent, selon l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, à plus d’un milliard d’euros chaque année[2].

Pourtant, contrairement au trafic de drogue, l’industrie du mensonge n’a fait l’objet d’aucun débat public majeur, d’aucune manifestation, d’aucune émission télévisée – jusqu’à ce que nous nous emparions du sujet.

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Pour l’émission « Complément d’enquête »[3], nous avons enquêté sur ces 2 milliards d’euros directement investis dans l’intoxication du débat public, dans le minage en règle de nos démocraties, dans la destruction de nombreuses vies aussi. Les victimes de la désinformation sont chaque année plus nombreuses, qu’elles soient en proie à la démédicalisation ou aux discours sectaires.

Selon notre enquête, ces milliards émanent principalement des plus grandes entreprises de l’industrie automobile, de la grande distribution, de la téléphonie mobile, qui financent des sites hautement toxiques par le biais de la publicité en ligne.

Nous avons ainsi pu observer, sur des sites niant le réchauffement climatique, incitant à la rébellion ou remettant en cause les mesures sanitaires, de nombreux encarts publicitaires de SFR, Orange, Opel, Toyota ou encore Auchan et Lidl.

Marques complices ? Disons que la plupart ferment les yeux, ou ne veulent rien savoir. Business is business. Jusqu’à quand ?

Les milliards injectés dans l’industrie de la désinformation représentent un manque à gagner pour les médias traditionnels.

Car au-delà des dégâts bien palpables qu’ils produisent dans nos sociétés, les milliards injectés dans l’industrie de la désinformation représentent un manque à


[1] Voir le rapport « La publicité sur les sites de mésinformation », NewsGuard, 2021

[2] « Chiffre d’affaires du cannabis en France, en 2017 : une nouvelle estimation directe par la dépense », Observatoire français des drogues et des toxicomanies

[3] « Fake news, la machine à fric », Complément d’enquête, France 2, diffusé le 2 septembre 2021

[4] Maxime Samain, « Interview. Pierre Louette : “Nous devons élever notre niveau de jeu face aux GAFA” », L’Echo, 6 mars 2021

[5] Pierre Louette, Des géants et des hommes : pour en finir avec l’emprise des GAFA sur nos vies, Robert Laffont, 2021.

[6] Julia Cagé, Sauver les médias. Capitalisme, financement participatif et démocratie, Seuil, 2015.

[7] « How the Collapse of Local News Is Causing a “National Crisis” », New York Times, 20 novembre 2019.

[8] « Trois femmes à abattre », documentaire réalisé en 2016 par Sylvain Louvet et Laure Marchand pour « Spécial Investigation » et « Cobayes : bye, bye ? », documentaire réalisé en 2016 par Aude Favre pour la même émission.

[9] Voir « The Quarter Billion Dollar Question: How is Disinformation Gaming Ad Tech? », Global Disinformation Index, 2019.

[10] Voir le règlement de Criteo ; et celui de Google.

[11] « Publicités sur des sites de fake news : compatible RSE ? », CBNews, 26 novembre 2018.

Aude Favre

Journaliste , Présidente de l'association Fake Off

Sylvain Louvet

Journaliste

Notes

[1] Voir le rapport « La publicité sur les sites de mésinformation », NewsGuard, 2021

[2] « Chiffre d’affaires du cannabis en France, en 2017 : une nouvelle estimation directe par la dépense », Observatoire français des drogues et des toxicomanies

[3] « Fake news, la machine à fric », Complément d’enquête, France 2, diffusé le 2 septembre 2021

[4] Maxime Samain, « Interview. Pierre Louette : “Nous devons élever notre niveau de jeu face aux GAFA” », L’Echo, 6 mars 2021

[5] Pierre Louette, Des géants et des hommes : pour en finir avec l’emprise des GAFA sur nos vies, Robert Laffont, 2021.

[6] Julia Cagé, Sauver les médias. Capitalisme, financement participatif et démocratie, Seuil, 2015.

[7] « How the Collapse of Local News Is Causing a “National Crisis” », New York Times, 20 novembre 2019.

[8] « Trois femmes à abattre », documentaire réalisé en 2016 par Sylvain Louvet et Laure Marchand pour « Spécial Investigation » et « Cobayes : bye, bye ? », documentaire réalisé en 2016 par Aude Favre pour la même émission.

[9] Voir « The Quarter Billion Dollar Question: How is Disinformation Gaming Ad Tech? », Global Disinformation Index, 2019.

[10] Voir le règlement de Criteo ; et celui de Google.

[11] « Publicités sur des sites de fake news : compatible RSE ? », CBNews, 26 novembre 2018.