IA et réforme de l’État : vers des bureaucraties sans humains ?
Depuis quelques années, à grand renfort d’un vocable issu du monde des « start-ups », on assiste à la consolidation d’un nouvel avatar de la réforme néo-libérale de l’État. À travers les concepts d’« État plateforme » ou de « start-up d’État[1] », les nouveaux réformateurs comptent sur les « corporate hackers » et l’innovation disruptive pour transformer de l’intérieur les bureaucraties publiques, laisser libre cours à la créativité, renouer avec la transparence, déployer des méthodes « agiles » et s’adapter à un environnement en perpétuelle transformation, le tout à moindre coût.

L’« État digital » – un concept vanté en juin 2017 par Emmanuel Macron lors d’une ode à la « startup nation » restée célèbre – est aussi et surtout un État en voie d’automatisation : pour accompagner l’horizon du non-remplacement de près de 50 000 fonctionnaires d’ici à 2022, le plan Action Publique 2022 lancé en octobre 2018 misait sur des « technologies telles que l’intelligence artificielle et les RPA (« robotic process automation »), ce afin « d’automatiser les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée[2] ».
Le contexte est en effet propice à l’automatisation de nombreuses fonctions administratives. Outre la conversion d’une partie des élites politiques et administratives au concept de « gouvernance par les données », l’offre technologique des prestataires privés s’est aussi structurée, grâce notamment au développement rapide des techniques dites d’« intelligence artificielle » (IA). Du côté des « administrés », ce projet rencontre une plus grande acculturation de la population française au numérique[3], avec un taux d’équipement important et de nombreux programmes pour la « former » aux outils numériques, que ce soit à l’initiative des pouvoirs publics ou d’entreprises comme Google (accueillie à bras ouverts par plusieurs villes françaises pour installer ses « ateliers numériques »).
Ces différents facteurs poussent à une multiplication des « assemblages algorithmiques »