Un roman éthique – sur Les Brebis noires de Dieu de Claude McKay
La publication presque simultanée de Romance in Marseille et des Brebis noires de Dieu est l’occasion pour les lecteurs français de découvrir un des écrivains africains-américains majeurs du XXe siècle. Souvent qualifié de « romancier vagabond », ayant vécu de longues années en Europe où il a écrit la plupart de ses livres, McKay n’en est pas moins un observateur remarquable de Harlem entre les deux guerres, où règne une remarquable effervescence intellectuelle et artistique, très largement autonome du fait de la ségrégation qui continue de dominer, mais qui est avant tout un moment crucial dans le long chemin de l’émancipation des Noirs aux États-Unis : le mouvement appelé « Harlem Renaissance » a en effet contribué à créer les conditions de possibilité de ce qui s’est passé après la Seconde guerre mondiale, un processus qui est loin d’être achevé, hélas.

On y voit réunis des écrivains et des plasticiens comme Ralph Ellison, Dorothy West, Simon Williamson et Abram Hill et des peintres comme Romare Bearden et Jacob Lawrence, parmi d’autres vrais et nombreux talents. C’est toute une société qui se crée à quelques encablures du centre de New York, mais qui est complètement indépendante du champ littéraire et artistique états-unien.
L’effervescence esthétique bénéficie d’une reconnaissance certaine parmi les Africains-Américains mais reste complètement à l’écart des institutions nationales de consécration. Le mouvement est fondé sur un engagement idéologique mais ne s’y résume pas pour autant. La diversité des formes est la règle et les antagonismes esthétiques et politiques nombreux.
McKay est de toute évidence un écrivain politique dont l’engagement reste radical jusqu’à la fin de sa vie. L’anticommunisme viscéral qui parcours Les Brebis noires de Dieu n’est pas le signe de l’abandon de l’idéal d’émancipation, bien au contraire : il est une protestation véhémente contre la captation de l’énergie politique des Africains-Américains par des entrepreneurs-idéol