Santiago H. Amigorena : « J’étends mes souvenirs sur le fil à linge alphabétique de la prose »
Santiago H. Amigorena – sorte de moderne Facteur Cheval, en moins brut, en plus cérébral – vient de poser, avec Le Premier Exil[1], une nouvelle pierre dans la construction de son étrange édifice littéraire, qu’il serait mesquinement insuffisant d’enfermer dans le genre de l’autobiographie. Car chez lui, l’écriture de soi est aussi écriture de l’autre. Et de ce choix qui l’entraîne forcément loin, sans boussole, nous ne pouvons que le féliciter chaleureusement. À cette construction, pas seulement mentale malgré les apparences, il a donné un nom qui, sans doute s’imposait, avec ses majuscules, pour tenter de le préserver d’un violent coup de vent, ou d’une lente et invisible érosion : Le Dernier Livre. Cela commença en 1998, chez POL, éditeur unique, fidèle et évident, de l’entreprise qui compte à ce jour onze volumes. À chaque fois, l’intéressé présente le plan général et particulier de l’ensemble avec un scrupule dont la portée et la substance peuvent parfois nous échapper. Mais qu’importe ? L’entreprise continue, dans laquelle nous sommes invités à jouer notre propre rôle : celui d’un lecteur inquiet, forcément insuffisant, ou pire, d’un critique volage et sentencieux qui juge selon son humeur, avec cependant une constance et une obstination qui écartent tout ennui ou lassitude. Le dialogue qui suit tente de manifester cette curiosité insatiable à laquelle l’écrivain, fort heureusement, m’invite, m’assigne. P.K.

Une première question, peut-être indiscrète… Comment avez-vous appris à écrire ? Et vous considérez-vous toujours en apprentissage ?
Comme tout le monde, j’ai appris à écrire à l’école. Et puis, comme tout le monde encore, j’ai appris à écrire en lisant. Et puis, toujours aussi ignorant malgré ce double apprentissage, j’ai appris à écrire, comme certains seulement, en écrivant.
Bien sûr, je ne cesse pas un seul jour de ma vie de continuer à apprendre, c’est-à-dire de constater mon ignorance, de souffrir de ma maladresse, de compter mes lacunes. E