Château ou prison – à propos de Sous le voile d’Hélène Lenoir
Quel est le vrai sujet du dernier roman d’Hélène Lenoir ? Certes, la même question se pose pour chacun de ses livres, avec une marge d’incertitude, de flottement, qui s’élargit dès que l’on essaie d’y répondre trop rapidement, trop nettement. Et elle n’est pas simplement formelle, étrangère au projet littéraire de l’écrivain, cette question. Elle engage notre lecture, l’oriente – ou la désoriente.
Dès le titre, Sous le voile, elle pourrait sembler résolue, pour ce roman au moins. Et quelques indications personnelles données en avertissement, sur l’enracinement familial, maternel, de cette « fiction » dans l’histoire d’une congrégation religieuse féminine, Notre-Dame de Sion, pourrait nous montrer la voie. Mais en réalité, dans ce roman également, la question demeure, insiste… Ne pas pouvoir, ou savoir, y répondre amplifie la dramaturgie du récit, nous y fait pour ainsi dire participer.

Comme dans les autres romans d’Hélène Lenoir, la famille forme un espace large, de référence. Mais ici dans un sens particulier, spirituel, monastique, auquel s’ajoute le sens ordinaire. Nous sommes dans des lieux précis, identifiés – Marseille, Biarritz, Grenoble, Saint-Omer, Anvers… – à des dates encore plus précises, dûment notées, comme si chaque minute comptait, comme si le monde pouvait devenir intelligible grâce à cette scrupuleuse chronologie : 1940, la guerre donc, et les années, suivantes, celles qui ont conduit au mitan du siècle.
Il pourrait en somme s’agir d’un regard critique, évidemment sévère, sur la nature de cet ordre religieux enseignant, et plus généralement de ces communautés catholiques, engoncées dans des règles rigides et contraignantes, notamment avant Vatican II. Et c’est là qu’un doute s’insinue…
Au fil d’une narration conduite comme souterrainement (ce qui trouble la lecture, la rend parfois difficile, vacillante), sans un fil bien visible et tenu fortement en main, nous entrons, autant qu’il est possible, dans l’intériorité, la psyché, des person