Politique

Comment les frustrations sociales s’expriment en démocratie

Psychanalyste

Portées par les jeunes générations et leurs engagements écologistes, féministes, liés aux luttes LBGTQIA+ ou encore antiracistes, de nouvelles formes de revendications, éloignées du champ politique et de ses acteurs traditionnels, sont trop souvent considérées comme des radicalités destructrices alors qu’elles pourraient participer à faire advenir une démocratie renouvelée et animée par des principes profondément égalitaires.

Depuis le début de la pandémie, avec la succession de confinements et des mesures restrictives de liberté qui l’ont accompagnée, il ne s’est guère passé un mois sans que la presse, relayant des articles scientifiques ou l’avis de professionnels (psychiatres, pédopsychiatres, psychologues…) ne s’alarme de la dégradation de la santé mentale de la population française, en particulier parmi les jeunes générations.

Dans un rapport paru en novembre 2021, la Défenseure des droits Claire Hédon soulignait combien la crise sanitaire avait agi « comme un révélateur », entraînant une « explosion des troubles psychiques » chez les enfants et les adolescents, mais nous pourrions en dire autant des étudiants, avec une envolée des vécus dépressifs et anxieux, ainsi qu’une augmentation des risques d’addiction[1].

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Au cours des deux dernières années, les jeunes générations – une frange de la population a priori peu concernée par le risque de développer une forme grave du Covid-19 – ont été confinées pour protéger les plus âgés. Il se trouve peu de commune mesure, certes, entre cette expérience et celle d’une guerre qui exposerait la vie des jeunes appelés, aussi le terme de « sacrifice » est-il sans doute exagéré. Mais l’accroissement des inégalités entre les générations (un type d’inégalités souvent oubliées au profit de celles de classe ou de genre, par exemple) est une réalité dont l’on aurait tort de sous-estimer la portée.

Voici plusieurs mois, la responsable scientifique de l’étude « Coronavirus et confinement » soulignait que « les jeunes apparaissent les plus touchés par la crise sociale et économique engendrée par la pandémie de Covid-19 et le confinement, en raison de leur précarité aujourd’hui devenue structurelle », ajoutant que « les 18-24 ans constituent la tranche d’âge qui cumule le plus de vulnérabilités, à la fois résidentielles, matérielles et relationnelles[2] ».

L’accroissement objectif de ces inégalités contribue sans doute à attiser les tensions entre


[1] Défenseur des droits, Rapport annuel enfants-santé mentale : le droit au bien-être, publié le 16 novembre 2021 (en ligne), p. 38.

[2] Anne Lamberts, « Croire qu’une société développée doit protéger ses aînés au détriment de ses jeunes est une erreur », Le Monde, mis en ligne le 3 juin 2020 ; voir aussi Fondation Méditerranée Infection, « Résultats de l’étude COCONEL : COronavirus et CONfinement – Enquête Longitudinale », mis en ligne le 11 avril 2020.

[3] Valérie Cantié, « Aux États-Unis, Greta Thunberg perçue comme une “fabuleuse militante écolo” ou une “hystérique” dangereuse », France Inter, mis en ligne le 28 août 2019.

[4] Olivier Galland et Marc Lazar, « Une jeunesse plurielle. Enquête auprès des 18-24 ans », Institut Montaigne, mis en ligne le 3 février 2022.

[5] Journal 20 minutes, mis en ligne le 4 février 2022.

[6] Publié à Paris, PUF.

[7] ASPAS : Association pour la protection des animaux sauvages. Voir leur site web, et en particulier l’onglet Actions juridiques.

[8] Tribunal administratif de Paris, « L’Affaire du siècle : l’État devra réparer le préjudice écologique dont il est responsable », 14 octobre 2021 (en ligne).

[9] Le désespoir conduit aussi à des gestes suicidaires spectaculaires mais d’apparence apolitique, comme dans le cas des suicides en masse de membres d’une secte qui offrent leur vie au gourou – ou à l’entité non-humaine qu’il lui aura plu de désigner.

[10] Nicolas Poirier, Introduction à Claude Lefort, Paris, La Découverte, 2020 p. 88.

[11] Claude Lefort : « Démocratie et avènement d’un lieu vide », dans Le Temps présent. Écrits 1945-2005, Paris, Belin, 2007, pp. 461-469.

[12] Cynthia Fleury, La Fin du courage, Paris, Fayard, 2010.

[13] Marie-Louise Mallet (dir.), La Démocratie à venir. Autour de Jacques Derrida, Paris, Galilée, 2004.

Benjamin Lévy

Psychanalyste

Notes

[1] Défenseur des droits, Rapport annuel enfants-santé mentale : le droit au bien-être, publié le 16 novembre 2021 (en ligne), p. 38.

[2] Anne Lamberts, « Croire qu’une société développée doit protéger ses aînés au détriment de ses jeunes est une erreur », Le Monde, mis en ligne le 3 juin 2020 ; voir aussi Fondation Méditerranée Infection, « Résultats de l’étude COCONEL : COronavirus et CONfinement – Enquête Longitudinale », mis en ligne le 11 avril 2020.

[3] Valérie Cantié, « Aux États-Unis, Greta Thunberg perçue comme une “fabuleuse militante écolo” ou une “hystérique” dangereuse », France Inter, mis en ligne le 28 août 2019.

[4] Olivier Galland et Marc Lazar, « Une jeunesse plurielle. Enquête auprès des 18-24 ans », Institut Montaigne, mis en ligne le 3 février 2022.

[5] Journal 20 minutes, mis en ligne le 4 février 2022.

[6] Publié à Paris, PUF.

[7] ASPAS : Association pour la protection des animaux sauvages. Voir leur site web, et en particulier l’onglet Actions juridiques.

[8] Tribunal administratif de Paris, « L’Affaire du siècle : l’État devra réparer le préjudice écologique dont il est responsable », 14 octobre 2021 (en ligne).

[9] Le désespoir conduit aussi à des gestes suicidaires spectaculaires mais d’apparence apolitique, comme dans le cas des suicides en masse de membres d’une secte qui offrent leur vie au gourou – ou à l’entité non-humaine qu’il lui aura plu de désigner.

[10] Nicolas Poirier, Introduction à Claude Lefort, Paris, La Découverte, 2020 p. 88.

[11] Claude Lefort : « Démocratie et avènement d’un lieu vide », dans Le Temps présent. Écrits 1945-2005, Paris, Belin, 2007, pp. 461-469.

[12] Cynthia Fleury, La Fin du courage, Paris, Fayard, 2010.

[13] Marie-Louise Mallet (dir.), La Démocratie à venir. Autour de Jacques Derrida, Paris, Galilée, 2004.